À l’abri de tours gigantesques, manipulations et expérimentations génétiques façonnent le fu-tur de l’humanité. Phénix est l’une d’elles, un organisme accéléré capable de prouesses bien supérieures à celles d’un humain normal. Entourée d’autres individus aux pouvoirs hors normes, elle grandit sans se rendre compte de la cruauté de ses créateurs.
Sa vie bascule le jour où Saeed, son seul ami et amant, se suicide après avoir été témoin de l’horreur de trop. Sa mort allume en Phénix le feu d’une rébellion qu’elle ignorait posséder. Elle n’a alors plus qu’une idée en tête : s’échapper et détruire toutes les tours… quitte à entraîner le monde entier dans leur chute.
Avis : Phénix est née il y 2 ans, mais elle en paraît 40. C’est une SpeciMen, une créature modifiée ou OBA : organisme génétiquement modifié. Elle a pour ami Mmud, qui passe au travers des murs, et pour petit ami, Saeed, qui ne mange que des matières minérales. Mais qui est-elle vraiment ? Et surtout quels sont ses pouvoirs ?
Imaginé comme un prequel à Qui a peur de la mort ?, Le livre de Phénix est, encore une fois, une réussite de Nnedi Okorafor. Il en est malgré tout, très indépendant, puisque c’est seulement dans le dernier chapitre que l’autrice nous parle de Sola et de Onyesonwu, deux personnages de Qui a peur de la Mort ?
Ce roman est, comme tout ce que j’ai lu de cette autrice, bouleversant et complexe.
Il y a tellement de vrai dans le monde tel que le voit Nnedi Okorafor : tantôt post-apo, tantôt avant l’apocalypse ! Et toujours les uns contre les autres : anciens contre jeunes, traditions contre modernisme, ville en opposition à la nature, occident /Afrique, être différent des autres. Alors que les fables qu’elle nous dévoile veulent nous montrer une autre voie. Même si en général, tout est cyclique et finit assez mal dans ses histoires, ce qu’elle extrapole de ce que nous vivons depuis toujours : guerres, pandémie, religion… Et c’est à cette frustration qu’elle s’adresse.
La colère est un sentiment commun à beaucoup de ses personnages principaux. Ici, c’est l’injustice qui met Phénix en colère. Et faut-il décrire ce qui se passe quand Vénom fait corps avec Spiderman ? Quand Bruce Banner devient Hulk ? Quand Anakin devient Dark Vador ? Car ce sont bien de superhéros, d’Xmen ou de Jedi dont il est question ici. Mais travaillés à la façon de Nnedi Okorafor, c’est à dire tout en questionnements moraux, écolo ou éthiques et bien sûr en poésie. « J’ai pris mes ailes à mon cou », « la portance de l’air chaud était comme la main de quelque chose qui m’aimait ».
Il y a un vrai régal à lire sa vision du monde et les rancœurs géopolitiques et économiques de l’Afrique envers les « blancs » au prisme de la SF. Et cela sonne tellement violent, tellement puissant, tellement vrai… puisque ça l’est (minus le côté SF/fantastique, à moins que l’on ne nous dise pas tout! 🙂
Ce qui est complexe chez cette autrice tient dans les nombreux personnages et les histoires dans l’histoire… Mais cela fait partie du plaisir de la lecture de ses romans. Et encore bravo pour la couverture, qui est une très belle réussite comme pour Binti !
Pour les néophytes de cette autrice, Le livre de Phénix est un bon début ! Pour les autres, accrochez-vous au canapé et bonne lecture !
« Durant mon absence, la révolution suivit son cours […]. Oui, la révolution était en marche. On peut même dire qu’elle devenait un sujet brûlant .»
Roman publié aux éditions ActuSF (Perles d’épices) – Traduit par Erwan Devos