La transhumance galactique des Fenjicks est menacée. Traquées depuis des millénaires par des reptiliens hermaphrodites, les Chalecks, ces créatures cosmiques intelligentes ne servent plus que de taxis vivants à travers l’espace. Après des années de servitude, leur nombre s’amenuise et leur espèce est menacée d’extinction. Mais leur mystérieux chant silencieux traverse toujours la galaxie. Il porte en lui les notes d’un nouvel espoir : le soulèvement des cybersquales.
Avis : Ce space opéra avec ses centaines de planètes, ses milliers d’espèces différentes (repitloïdes, humanoïdes, squales, végétal, félides…) a bien sûr son propre langage, ses pirates (les pousses pierres) et son oppresseur (les Chalecks).
Évidemment, ceux-ci ne se vivent pas comme tel, mais bel et bien comme les bons samaritains qui unifient les autres sous leurs étendards et portent haut leurs idées : hermaphrodisme et biotechs très poussées en sont les principales. Mais ils s’essaient aussi à la mutation et au consentement (ce sont des oppresseurs mais qui ont quand même des belles idées… parfois !)
Nous suivrons principalement Smine Furr, un felide mâle qui s’essaie au libre arbitre alors que son peuple est depuis toujours matriarcale et depuis peu sous joug Chalecks… ! ça décoiffe ! Mais nous rencontrerons aussi Waü Nak Du, scientifique chaleck qui s’occupe de fenjicks immatures. Et qui ne souhaite jamais pondre ; les Chalecks sont des repitloïdes qui doivent de temps en temps assurer le renouvellement de leur population, en pondant des œufs donc… Pour ensuite voir des Fenjicks libres et des cybersquales qui sont eux totalement remaniés par les Chalecks. Leurs mémoires ne contiennent plus rien, ni même leur genre, ni leurs souvenirs …
Le chant des Fenjicks est touffu, drôle, questionnant et imaginatif.
Le fait que des personnages soient mâles dans des sociétés matriarcales et ne voient pas d’un si mauvais œil que les Chalecks essaient d’imposer le consentement comme règle de base, en dit long sur l’ironie que manie l’autrice.
Luce Basseterre montre aussi combien les extraterrestres (comme nous ?) peuvent être racistes, bourrés de clichés et sans toujours suffisamment de recul quant à leur pratique : de la tech ou de la bienveillance. Bienvenue au biocom implanté, aux prothèses révolutionnaires et à une médecine cellulaire. Car le Chant des Fenjicks est un space opéra où certains des objets volants sont des sortes de baleines ! Remaniées jusqu’à n’être que des IA dans un corps fait de cellules.
Et cette révolution qui s’annonce, mais qui pourrait ne pas avoir été fomentée par ceux que l’on croit, va avoir des conséquences globales… car le chant des Fenjicks, que captaient les cybersquales, emportent ce renouveau au tréfonds de l’univers.
Bref, ce roman touffu est difficile à expliquer mais tellement bon à lire. Tant pour sa justesse sur les injustices dont souffrent les différents peuples que sur les émotions que ressentent des peuples aussi différents que des tortues, des insectes ou des humains. Il est à noter que l’imagination de Luce Basseterre est aussi incroyable : mondes différents, modes de pensées et gouvernements aux antipodes, personnages profonds et très atypiques … et elle est aussi impressionnante sur le suspense et la construction de cette fractale qui entraîne presque tout sur son passage…
Et enfin dernière note sur l’humour. L’ironie, les réparties potaches entre amis, et un bon humour noir font le sel de ce roman que je conseille vivement.
Le chant des Fenjicks de Luce Basseterre est un roman publié aux éditions Le livre de poche