Par la création qu’elle permet de mondes secondaires alternatifs et par ses codes génériques sujets à la réappropriation, la fantasy est un genre de l’imaginaire dont les potentialités sont illimitées, et qui offre la possibilité d’interroger les systèmes normatifs en place. Ce n’est donc pas un hasard si elle a été investie, au fil des décennies, par des discours issus de divers courants féministes et queer.
Que se produit-il lorsque la fantasy rencontre ces perspectives ? Comment peuvent-elles éclairer les œuvres (livres, nouvelles, séries télévisuelles), mais aussi les phénomènes faniques et militants qui les entourent ? Comment aborder la fantasy (l’analyser, mais aussi l’écrire) en s’intéressant aux dynamiques genrées, sexuelles, sexuées, ainsi qu’aux savoirs féminins et aux cultures des marges ?
Avis : N’allons pas dire que Fantasy & Féminismes se dévore. Non, il faut en lire des petites parties et probablement le relire dans quelques semaines/mois/années, pour se réapproprier les différents concepts que les autrices et auteurs manipulent. Mais c’est tout de même passionnant. Du mythe de Circé, – qui est reléguée loin des siens (c’est quand même une déesse) car elle gêne ces messieurs – aux fan-fictions plus ou moins érotique de Harry Potter, tout en passant par Lord of the ring, tous les rouages de la fantasy sont méticuleusement étudiés.
Rouages hautement sociétaux qui reflètent une norme (hétéronormée, blanche, et mâle dominant) et dont ils ont parfois bien du mal à s’extirper, même lorsqu’ils souhaitent la dénoncer. Les chapitres « scolaires » sont entrecoupés par 5 nouvelles de 5 autrices :
• Les gardiennes de Genevieve Blouin, qui parlent du rôle des femmes en temps de guerre, quand les hommes ne sont plus là pour faire « tourner » la boutique et de la sorcière au moyen âge. Une nouvelle édifiante.
• Le langage des fées de Élisabeth Vonarburg auquel je n’ai pas compris grand-chose. Mais c’est très beau.
• Minuit à la tour du dragon d’Alex Evans, qui m’a ravie, tant sur l’émancipation que sur les personnages. Sans laisser de côté l’intrigue.
• Azr’Khila de Charlotte Bousquet, dans un univers désertique au milieu de la puissance des groupes d’hommes violents et avec une magie de revanche. Un beau nettoyage de printemps et une chèvre. Si si c’est splendide.
• Pour Juliette de Héloïse Côté, est du zombie queer et familial. Si si c’est plausible, extrêmement bien construit et déchirant.
Tout est superbement documenté, très explicite pour les néophytes et passionnant pour tout le monde. Vous ne verrez plus jamais vos romans (fantasy ou autres d’ailleurs !!!) de la même façon car vous y remarquerez tout de suite :
• la patte du patriarcat déconstruit plus ou moins bien,
• et surtout du nouveau monde voulu par l’auteur, ce qui est réussi ou pas,
• que ce soit sur les questions féministes, queer ou sociales/économiques/écologiques
Une vibrante recherche pour voir plus loin et ouvrir les consciences.
C’est encore le moment pour moi, de remercier les éditions ActuSF qui ont permis à des chercheuses et chercheurs, des autrices et auteurs d’un haut niveau de nous faire vibrer, comprendre ou rêver avec des univers, des personnages et histoires de qualité, que ce soit avec cet ouvrage Fantasy & Féminismes, mais aussi tant d’autres.
Fantasy & Féminismes est un ouvrage publié sous la direction de Marie Lucie Bougon, Marion Gingras-Gagné et Pascale Laplante-Dubé – Avec les textes de Geneviève Blouin, Élisabeth Vonarburg, Alex Evans, Charlotte Bousquet, Héloïse Côté