« C’était il y a longtemps, très longtemps, quand les hommes affrontaient la terre à mains nues, luttant pied à pied contre les fauves des forêts, les démons de leurs rêves et la faim. Une femme avait eu un fils. Ils vivaient tous les deux à la lisière d’un bois, non loin du gué d’une rivière. Mais en ces temps déjà, les hommes ne se contentaient plus des gués et rêvaient de ponts arqués comme des épaules, forts comme des boeufs, éternels comme des chênes, bâtis dans le lit enragé des fleuves à grands frais de pierres et de vies humaines.
En ces temps, les hommes n’avaient pas peur de mourir ».
Avis : Grand nom de l’imaginaire, j’avais envie de lire Catherine Dufour depuis quelques temps déjà. Je ne regrette pas une seconde la lecture de L’accroissement mathématique du plaisir et de ses 20 nouvelles, tour à tour fantastique et SF, poétique et terre à terre.
Il faut quand même une sacrée dose de bonne humeur pour supporter la noirceur, la solitude et le futur qu’elle imagine avec sa plume acérée. Elle est toutefois, et même de nombreuses fois, drôle. Un humour bien noir et extrêmement absurde.
Alors allons y pour un rapide tour d’horizons et parce qu’il y en a pour tous les goûts :
1 : vampire (avec un environnement à la « I’m Legend »),
2 : souvenir de cauchemar… qui prendraient soudain vie ? L’enfance a de ses fulgurances,
3 : immaculée conception d’un démon ? avec des docteurs misogynes et une incapacité de se sortir de ce système putride… glauquissime !
4 : monde pollué et fantôme qui n’en est pas un finalement et tristement…
5 : critique d’art démente et fantastique et elle ne parle pas d’un personnage qui serait critique d’art…
6 : fantomatique idée du rhume des foins,
7 : amours, amitiés et jalousies d’adolescents qui laissent un parfum de rose… morte ?
8 : les croyances folles du moyen âge,
9 : à la façon d’Edgar Allan Poe, cette histoire d’amour et de mort est ampoulée à souhait…
10 : en Russie, méfiez-vous de tout ! Ou la mafia a le bras long !
11 : New York pue et pourtant la beauté des différences y resplendit !
12 : le paradis des uns serait l’enfer des autres et inversement 😉 mais avec les paroles de Kurt Cobain comme scénario,
13 : Fantasy de type jeu de rôle : troll, pougnard des Locaces et conteur qui a besoin de boire…
14 : Peter Pan a mal vieilli… dans un monde très injuste ! Très drôle au 10ème degré !!!
15 : Alice au pays de l’adolescence,
16 : où la science-fiction rencontre l’amour de la beauté,
17 : où le capitalisme est poussé à son paroxysme dans un temps censé être lointain mais qui paraît étrangement trop réaliste… de la SF engagée +++
18 : big pharma fait peur ou la force de persuasion des hormones partie 2 après la précédente nouvelle…
19 : petit avant-goût de « black mirror » et les enfants pucés !? Mais avec la patte maternelle qui voudrait que les enfants aient quand même l’occas’ de faire des bêtises… 😉
20 : polar SF très proche d’Alain Damasio et sur le thème de leurs dérives communes (imaginées/annoncées/déjà réelles ?) : pub omniprésente, grand risque des écrans, déliquescence des relations humaines…
L’accroissement mathématique du plaisir propose un échantillon conséquent de la palette incroyable de Catherine Dufour : absurde, glauque, drôle, poétique, fantasy, fantastique, SF, fantasmatique… Et les avant propos, post face et interviews de cette édition sont un must pour découvrir sa personnalité ainsi que les lectures qui l’ont forgée et ses sources d’inspiration (par exemple : la nature dans l’interstice du goudron).
J’ai hâte de lire ses romans multi-primés mais je ne sais pas encore par lequel commencer, avez-vous des idées ?
L’accroissement mathématique du plaisir de Catherine Dufour est un recueil de nouvelles publié aux éditions Le Belial – Préfaces de Richard Comballot et Brian Stableford, bibliographie de Alain Sprauel
La nouvelle « L’Immaculée conception », lauréate du Grand Prix de l’Imaginaire 2008
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