L’île de Silicium / Chen Qiufan

L’île de Silicium / Chen Qiufan

couverture du roman L'île de Silicium de Chen Qiufan

Xiaomi travaille sur l’île de Silicium, située au large de la Chine, où les appareils électroniques du monde entier sont envoyés au recyclage. Comme elle, des milliers de migrants sont attirés sur cette île polluée par la promesse d’une vie meilleure. Mais ceux que l’on surnomme les « déchetiers » demeurent à la merci de puissants chefs de clan. Alors qu’un conflit se trame entre les 3 clans rivaux, des investisseurs américains et des écoterroristes, Xiaomi découvre les débris d’une mystérieuse prothèse qui risque de changer le cours de leurs destins.

Avis : Pour inaugurer le lancement de leur collection imaginaire, les éditions Rivages ouvre le bal avec L’île de silicium, un roman d’anticipation cyberpunk sombre qui met en exergue un des fléaux du 21e siècle : le traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE).

Chen Qiufan dessine son île à travers les yeux de 3 personnages aux antipodes.  Xiaomi est une simple travailleuse immigrante qui s’est retrouvée malgré elle dans le viseur d’un puissant chef de clan ; Scott Brandle est l’envoyé d’une société de recyclage américaine qui veut passer des accords avec les dirigeants de l’île ; Dang Kai-zong est son traducteur, natif de l’île qui a émigré aux États-Unis et qui y revient pour la première fois. Leurs destins vont bientôt se télescoper pour se cristalliser lors d’une terrible nuit battue par un typhon.

Chen Qiufan décrit un microcosme social à l’image de nos sociétés : guerre de pouvoir, exploitation des plus faibles, pseudo arrangements avec la sauvegarde de l’environnement, qui profite surtout à celle de l’économie. En fond, les questions de migration, d’acceptation et de racisme et de bien sûr la pollution toujours plus forte que nos manières de vivre créent, et qui est là entièrement supportée par cette population corvéable à merci, qui en paie le prix fort. « Vivre vite et mourir jeune », je ne pense que c’est à cela que James Dean pensait. Et ce qui est sûr, c’est que les habitants de l’île de Silicium ne feront pas « un beau cadavre », gangrénés comme ils le sont par la maladie et une vie de labeur.

Tous comme ceux de Guiyu, ville très réelle située dans la province de Guangdong en Chine dont s’est inspiré l’auteur pour écrire son roman. Selon le Global E-waste Monitor de 2020, 53,6 millions de tonnes de DEEE ont été générées dans le monde en 2019*. Et cela ne va pas aller en s’arrangeant… À cette réalité, Chen Qiufan ajoute une dimension futuriste en mêlant l’avancée de la science qui permettra, dans un futur proche, bras, œil bionique et autres joyeusetés. C’est aussi le choc entre la modernité induite par toutes les nouvelles technologies et la culture et les croyances ancestrales chinoises. Un entre-deux où les personnages ont encore du mal à se situer.

L’île de Silicium n’est pas un roman facile à lire, les concepts y sont complexes, la vie décrite y est noire et tragique et l’avenir qu’il dessine, des plus sombres.

Il savait très bien comment les gens étaient exploités et opprimés. Cela s’était produit à toutes les époques de l’histoire, que les peuples soient étrangers les uns aux autres, ou de la même ethnie. Il y avait toujours une classe supérieure qui, au nom des dieux, de la nation ou du progrès, faisait les lois, imposait les normes et parvenait à posséder la vie des autres, leur chair et leur âme.

Roman publié aux éditions Rivages (Imaginaire) – Traduit du chinois par Gwennaël Gaffric

*https://ewastemonitor.info/gem-2020/

L’avis du Maki
abc imaginaire 2022

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