Mara Rais et Eva Croce, tome 1
Depuis plusieurs décennies, la Sardaigne est le théâtre de meurtres rituels sauvages. Enveloppés de silence, les corps de jeunes filles retrouvés sur les sites ancestraux de l’île n’ont jamais été réclamés. Lorsque les inspectrices Mara Rais et Eva Croce se trouvent mutées au département des “crimes non élucidés” de la police de Cagliari, l’ombre des disparues s’immisce dans leur quotidien. Bientôt, la découverte d’une nouvelle victime les place au centre d’une enquête qui a tout d’une malédiction. De fausses pistes en révélations, Eva et Mara sont confrontées aux pires atrocités, tandis que dans les montagnes de Barbagia, une étrange famille de paysans semble détenir la clé de l’énigme.
Avis : Malgré un chapitrage qui me déplait au possible (très court, redondant et pas toujours utile), ce roman policier sarde m’a emportée. On y découvre la vie sur l’île des âmes : entre agriculteurs ancestraux, les Ladu de la montagne, et gens de la ville mais aussi entre « étrangers » et Sardes. Parfois même entre sarde et sarde :).
Et c’est par le biais de la disparition de Dolorès Murgia que nous suivons l’enquête spéciale confiée de façon détournée à deux « mises au placard ». La première, Mara Rais, sarde de Cagliari jusqu’au bout de ses escarpins (et de ses ongles manucurés avec soin) qui a voulu dénoncer El Greco, le grand boss de la Police pour harcèlement et que sa grande gueule n’a pas suffi à sauver ! Et Eva Croce, la punk, irlandaise par sa mère, qui vient d’être mutée en Sardaigne de Milan, pour faute. Elles sont toutes les deux engagées au nouveau service des « cold cases », dans la cave/salle des archives du commissariat de Cagliari. Et leur chef, Farsi, veut qu’elles enquêtent aussi sur les meurtres de type sacrificiel des années 1971 et 1984, non élucidés car personne n’a reconnu les deux femmes tuées sur des Nuraghes (tombes protosardes datant de 5000 ans, parfois plus). S’il le leur demande, c’est surtout en l’honneur de Moreno Barrali, un excellent inspecteur qui part en repos car il a un cancer en phase terminale. Beaucoup disent d’ailleurs que ce sont ces deux affaires non résolues qui lui ont donné le cancer…
Alors qui a tué les deux jeunes femmes il y a 30 et 40 ans ? La disparition de Dolorès Murgia y est-elle liée ? Car le jour des morts « sas die de sos mortos » approche à grand pas et c’est cette nuit-là que les meurtres passés ont eu lieu… Entre passé et présent, entre citadins et famille Ladu, entre faux semblants et vraies horreurs, il va falloir des tripes à nos deux enquêtrices. Et ne pas perdre son âme dans ces conditions particulières !
Dans L’île des âmes, la tension est presque palpable. L’auteur joue sur le tableau de l’enquête dans l’enquête dans l’enquête… si si ! Mara et Eva doivent enquêter sur les cold cases, mais en essayant de retrouver Dolorès et surtout en surveillant les collègues qui sont peut-être à l’origine des fuites d’informations cruciales et confidentielles dans les journaux. Piergiorgio Pulixi joue aussi sur la vie personnelle des enquêtrices et de certains autres collègues, dont il distille les informations au compte-goutte. Et enfin, il se joue de nous avec les informations sur la famille Ladu des montagnes, qui sont d’ailleurs bien flippantes : vivants en autarcie, entre cousins, avec des rites liés à la terre nourricière datant de milliers d’années, quand les sacrifices d’êtres vivants étaient légions.
Et ce jonglage permet de mettre constamment le lecteur sur le qui-vive. Il y a même trois ou quatre révélations que je n’avais pas vu venir et c’est toujours plaisant de se faire mener par le bout du nez ! Donc merci à Piergiorgio Pulixi pour ce page-turner angoissant qui donne une folle envie de lire les autres enquêtes de Mara et Eva!
Roman publié aux éditions Gallmeister – Traduit de l’italien par Anatole Pons-Reumaux