Dans un avenir où les nations individuelles de l’Europe n’existent plus, l’United States of Europe est une dictature dirigée par les EB – Entreprises Bénéficiaires –, qui promeut la Nouvelle Démocratie. L’Internet s’est transformé en outil de propagande/surveillance Interzone, l’exactitude et la censure écrasent la liberté d’expression, les copies physiques de livres, enregistrements audio et films sont illégales, la culture populaire systématiquement volée et revendue sous des formes déformées, tandis que la numérisation forcée a vu l’histoire éditée, supprimée et réécrite. De bons Européens dirigent les villes, les autres vivent comme des citoyens de seconde classe. Mais dans toute l’Europe, les groupes de résistance résistent, et la Grande-Bretagne n’y échappe pas. À Londres, un jeune bureaucrate ambitieux qui utilise le logiciel Suspic’ pour identifier les menaces contre l’USE, est témoin d’un meurtre choquant…
Avis : Attention, Anarchy in the U.S.E. est l’uchronie dystopique de l’année ! Avec cette fiction surréaliste, John King frappe dans le plexus solaire une Europe à la dérive. C’est noir, grinçant, et ça fait froid dans le dos !
Dans cette belle Europe unifiée, seuls quelques bastions d’irréductibles résistent encore à la politique de Bruxelles, fleuron de la « nouvelle démocratie ». On vous rassure, ce sont des marginaux, et des fous assurément, car seuls des désaxés ne voudraient pas embrasser l’idéologie saine, bienveillante et inclusive, prônant l’équité, l’amitié et l’acceptation, véhiculée par le pouvoir en place depuis la fin de la 2nde guerre mondiale. À Londres, les Bons Euros eux, sont fiers d’appartenir à ce système et de travailler à son expansion.
Ce que les masses ignoraient ne pouvait leur faire de mal. Si personne ne savait, il s’en suivait que personne n’en avait cure. Si personne ne savait et n’en avait cure, il s’en suivait que l’événement en question n’avait pas eu lieu. La nouvelle démocratie valait bien une certaine dose de flexibilité.
Un renversement de l’histoire sur son axe – Churchill en instigateur de la solution finale !! –, une réécriture massive des faits, pour créer un univers, où « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil et tout le monde s’aime ». Les gens sont potes, la police est Cool, les sexeuses et sexeurs – qui viennent d’Asie ou d’Afrique, pays moins évolués, faut pas déconner – adorent leur job, les pédophiles ne sont que de gentilles personnes incomprises – après tout, chacun ses goûts, et tant que les 2 parties sont consentantes -, la torture animale est une distraction vivifiante – d’ailleurs, le dauphin continue de sourire au bout de sa pique, c’est bien la preuve qu’il est content.
Le désir de torturer ne faisait pas de vous quelqu’un de mauvais. Bien au contraire, c’était le signe d’une admirable propension à la libre-pensée. Les individus de cette trempe devaient être admirés, et parmi l’élite on les honorait, on accélérait leur ascension professionnelle et on les récompensait en leur attribuant un statut de créatif.
Avec Anarchy in the U.S.E., John King dessine un monde où la manipulation et l’endoctrinement sont poussés à un tel paroxysme, que les victimes pensent sincèrement vivre dans le meilleur des mondes possibles. Un monde uniformisé et totalement infantilisant, où il ne faut surtout pas avoir à réfléchir. D’ailleurs, les livres, objets subversifs entre tous, y sont prohibés.
Mondialisation, ultra-capitalisme, surconsommation, surconnexion, surveillance généralisée… John King livre une satire sociale d’une ironie féroce.
Roman publié aux éditions Au diable vauvert – Traduit de l’anglais (Angleterre) par Diniz Galhos