Teixcalaan, Tome 2
Une force d’invasion alien se masse aux portes de l’espace teixcalaanli, muette et menaçante. La commandante Neuf Hibiscus n’a d’autre recours que l’option diplomatique, et c’est ainsi que Mahit Dzmare, l’ambassadrice de la station Lsel, et Trois Posidonie, son ex-chargée de liaison – encore sous le choc du récent soulèvement de l’Empire –, se retrouvent en première ligne, investies de la tâche impossible de communiquer avec cette entité hostile. Leur échec se traduirait par des millions de morts, leur succès garantirait la survie de l’Empire. À moins qu’il n’existe une troisième voie…
Avis : Une lecture dont on ne ressort pas indemne ! Non pas parce que choquante, plutôt parce que ce deuxième tome est magistralement écrit !
Nous retrouvons donc Mahit, de retour sur la station spatiale Lsel, après avoir participé aux évènements menant au déclenchement de la guerre de l’Empire teixcalaanli contre les Aliens. Et nous retrouvons aussi Trois Posidonie, son ex-attachée de liaison, montée en grade au Palais impérial, suite à ces mêmes évènements. Vont-elles rester séparées?
Dans Une désolation nommée paix, on découvre aussi Neuf Hibiscus, sur son vaisseau “Le poids pour la roue”, qui vient d’être promu Yaotlek, c’est à dire commandante en chef de la flotte Teixcalaanlie. Son bras droit, Vingt Cigale va se révéler un précieux atout pour elle, qui doit se méfier de tous et toutes ! Et enfin, on apprend à connaître Huit Antidote, le clone de l’ancien empereur Six Direction. Il est en apprentissage de son futur rôle sous la houlette de l’impératrice de substitution Dix-neuf Herminette et en cachette, du ministre de la guerre Onze Laurier.
Les Aliens sont donc aux portes de l’Empire et le statut quo ne devrait pas durer. S’ils attaquent, la guerre sera longue et l’issue plus qu’incertaine au vue de leur capacité d’apparition à la dernière minute et de leurs armes inconnues. Pour les teixcalaanlies, leurs actions sont incompréhensibles et la discussion paraît impossible, aucun de leurs essais de communication ne parvenant à aboutir. C’est d’ailleurs pour ça que nos deux héroïnes pourraient être utiles, leurs compétences en la matière n’étant plus à prouver.
Ce deuxième tome tient plus du space opera que le premier. Mais si je l’ai dévoré et qu’il a eu un impact aussi fort, c’est pour son histoire mêlant plusieurs points de vue. Ceux de Mahit (et ses imago des Iskandr), celui de Trois Posidonie, celui de la commandante ou de son bras droit, parfois celui d’une opposante à la commandante et bien sûr, le point de vue incomparable de Huit Antidote. Cette croisée des destins apporte du suspense mais surtout nous offre une plongée dans la psyché des différents protagonistes.
C’est malin. C’est pointu. C’est bouleversant.
Les espionnages, les choix, les sentiments, les valeurs sont disséqués, analysés et restitués pour nous. Que ce soit au niveau des individus, des groupes, puis des peuples. Les droits et devoirs éthiques sont mis à mal ou au contraire sanctifiés.
C’est un très grand roman qui ravira de nombreux type de lecteurs. Les fans d’espionnage, avec l’apprentissage de Huit Antidote. Les accros de psychologie, avec les passages sur les amitiés et amours de certains des personnages. Les lecteurs de science-fiction ne devraient pas être déçus non plus : il y a des aliens bizarroïdes, des implantations de lignées de mémoires=imago, du portail intersidéral, du clonage à 90 %… et même pour ceux qui aiment les scènes de sexe, il y en a une qui ne laisse vraiment pas indifférent !!!
Comme tout bon roman, Une désolation nommée paix, réussit à divertir tout en nous parlant de problématiques primordiales : le droit des opprimés et des minorités, les relations plurielles, de ce que c’est que « d’être au monde »… Il pose de nombreuses interrogations éthiques, sur l’Histoire ou le progrès et surtout sur le langage. Ou plutôt sur la communication (sourire avec les dents = agressivité pour les Teixcalaanlies, froncer les sourcils = réflexion pour les uns, inquiétude pour d’autres…). Comment se comprendre quand on est si différent (pas le même rapport au monde sur une station spatiale ou une planète), que l’on n’a pas les mêmes moyens de communication (larynx ou imago dans sa tête, ondes ou esprit commun comme les Echardes) ou que l’on veut le pouvoir pour soi ou pour tout le monde?
Ce deuxième tome est donc transcendant. À lire de toute urgence !!!!
Arkady Martine réussit également très bien ses remerciements en fin de livre 😉
Roman publié aux éditions J’ai lu (Nouveaux millénaires) – Traduit de l’anglais (Etats unis) par Gilles Goullet