Claude a quarante ans, et elle les fait. Sa vie est un désert à tous points de vue, amoureux et professionnel ; au RSA, elle va être expulsée de son appartement. Aussi quand un mystérieux juriste américain la contacte sur Linkedin – et sur un malentendu – pour lui demander d’enquêter sur la disparition d’une famille moyennant un bon gros chèque, Claude n’hésite pas longtemps. Tout ce qu’elle a à faire c’est de louer la villa « isolée en pleine campagne au fond d’une région dépeuplée » où les disparus avaient séjourné un an plus tôt. Et d’ouvrir grands les yeux et les oreilles. Pourquoi se priver d’un toit gratuit, même pour quelques semaines ? Mais c’est sans doute un peu vite oublier qu’un homme et cinq enfants s’y sont évaporés du jour au lendemain, et sans doute pas pour rien.
Avis : Catherine Dufour, je la connaissais surtout pour Le goût de l’immortalité. Autant dire que ce n’est pas le roman le plus drôle de la terre… Au bal des absents en revanche est une vraie pépite d’amusement, un bonbon acidulé qui se paie en plus le luxe d’une petite critique sociale qui frappe sec et juste.
Claude a 40 ans. Claude est au chômage depuis 2 ans, en fin de droits, et doit quitter son petit studio de la banlieue parisienne car le loyer en est devenu hors de sa portée. Pour aller où ? Brest ou peut-être la Corrèze, les seuls endroits où sa petite allocation du RSA pourrait lui payer une chambre chez l’habitant. C’est pas la joie, quoi… Mais, alors qu’elle s’apprête à clore définitivement tous les aspects de sa vie parisienne, elle reçoit une offre d’emploi étrange et inattendue : un juriste Américain, croyant qu’elle a un temps travaillé pour la police française, lui propose d’enquêter sur la disparition d’une famille venue séjourner dans un manoir bucolique de la campagne française.
Claude sait reconnaître une opportunité quand elle en voie une. Et de toute façon elle n’a pas les moyens de faire la fine bouche. Même si cela n’a que le vague aspect d’une opportunité, elle prend ! Évidemment, elle avait bien raison de se méfier : la maison est hantée, et les « habitants » carrément hostiles ! Mais Claude elle, est pugnace. Cette maison sera sienne un point c’est tout. Assez de prendre des coups, il est temps de contre-attaquer.
Le désespoir, c’est un luxe. Tu n’as pas les moyens.
Le combat de Claude contre l’esprit maléfique qui hante la maison apparaît comme une métaphore de son combat contre le système. Elle le baptise d’ailleurs du joyeux nom de sa conseillère Pôle-Emploi, Colombe Flenche-Rian. En sous-texte, c’est le récit d’un monde fait d’inégalités et d’injustice. Quand Claude joue de la binette sur les fantômes, c’est dans les licenciements, les lettres de refus, les formulaires invraisemblables, et l’indifférence bien-pensante qu’elle frappe. C’est sa colère d’avoir été enfermée dans une France d’invisibles, d’exclus, qu’elle évacue.
Et pourtant, Au bal des absents nous offre un récit enlevé, énergique et plein d’humour (noir !). La rage c’est la vie, et Claude n’est pas encore prête à se laisser enterrer ! Le ton est mordant et plein d’ironie, et le roman se lit tout seul. Catherine Dufour connaît ses classiques et joue des codes de l’horreur. Pour comprendre le phénomène, et trouver comment s’en débarrasser, son héroïne se documente religieusement : de Stephen King à Ghostbusters, en passant par Romero et Lovecraft.
La fin, elle, est juste géniale ! Au bal des absents est un roman plus que recommandable, et qui réjouira en plus tous les amateurs de frissons en cette période d’Halloween.
Roman publié aux éditions du Seuil (Cadre noir)