Simon ne va pas bien. D’ailleurs, depuis qu’il s’est mis à vouloir manger de l’humain, les choses ne tournent pas bien rond dans sa tête. Face à une société qui les traite, lui et ses congénères, comme des zombies, il fait de son mieux pour garder sa dignité, s’occuper de sa famille et être professionnel au bureau. Mais comment rester soi-même quand la faim frappe à la porte avec autant de délicatesse qu’un tank sur un champ de mines ?
Contraint à gérer son état parasite en maintenant l’illusion de la routine, il décide d’en faire une histoire de famille. Et vous savez ce qu’on dit sur les histoires de famille ?
C’est toujours un sacré bordel.
Avis : Carne est un roman surprenant. Un roman à fort potentiel de division, car clairement il ne s’adresse pas à tout le monde. Pour commencer, si vous n’êtes pas réceptif à l’humour noir, dont il est baigné, vous risquez fort de vous sentir comme l’invité indésirable d’une fête dans laquelle se déroule un spectacle qui vous met mal à l’aise. Mais creusez la surface, vous découvrirez une pépite, une fable moderne, intelligente et bourré d’un humour finalement très fin.
Simon ne va pas bien. Simon a faim. Tout le temps. Il imagine les épices, les accompagnements, la tendresse de la viande. Votre viande. Un bon jambonneau d’humain ! mmh, rien de meilleur ! Mais Simon lutte, s’accroche. Enfin, il essaie. Peut-être, il n’est pas très sûr. Ses idées ne sont pas bien claires, le goût du sang dans sa bouche est tellement enivrant. Et ils sont nombreux, de plus en plus nombreux comme lui. Comment résister ?
Alors la question n’est pas de savoir, encore une fois, le pourquoi du comment. Point d’expertise scientifique ou d’explication rationnelle ici. Mais ce n’est pas le propos. Poussez le sang et les viscères, regardez derrière l’humour, et vous trouverez, planqué dans ce giron, une satire sociale. Profondément ancré dans le réel de notre société, Carne se fait reflet de notre époque : réseaux sociaux, télé-réalité, malbouffe de l’information, gouvernements dépassés, crise sanitaire, perte des repères moraux… Plus frappant encore, les similitudes avec la pandémie actuelle, la justesse de sa prospective quant à la réaction de la population sont troublantes (mais où est passé le papier toilette ?!).
Il y a aussi l’application mobile qui recense les cas, suit l’évolution de l’épidémie, et propose des regroupements pour des « chasses sauvages » en top des téléchargements sur Google Play. Catégorie divertissement.
Mais Carne est aussi un roman dur, qui aborde des thèmes graves comme le viol et l’inceste, des sujets qui dérangent et qui encore une fois, vont troubler nombre de lecteurs. Et oui bien sûr, c’est gore, si vous ne l’aviez pas encore compris à ce stade de ma chronique, c’est que j’ai mal fait mon boulot. Pourtant, Julia Richard n’en fait pas des tonnes, si elle n’hésite pas à faire manier la batte de base-ball à ses protagonistes, elle conserve aussi une certaine pudeur. Donc rassurez-vous, pas de description choc sur des agressions sexuelles, juste le bruit du bois lorsqu’il atteint les cranes 😉
Très rythmé grâce à une narration déstructurée et un style d’écriture très vif qui ajoutent encore à l’originalité du roman, Carne se lit presque tout seul. Julia Richard est une autrice à suivre !
Ma femme et mon fils dorment, et j’ai un cadavre sur les bras. La ville entière roupille pendant que je vais devoir me débarrasser du corps. La totalité du pays pionce, et je l’ai planqué dans un buisson en attendant de creuser une tombe. C’est dingue. Et je vais même pas pouvoir le raconter à mes collègues demain.
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