Que seriez-vous prêt à sacrifier pour vous souvenir ?
Un jour, en Inde, un homme perd son ombre – un phénomène que la science échoue à expliquer. Il est le premier, mais bientôt on observe des milliers, des millions de cas similaires. Non contentes de perdre leur ombre, les victimes perdent peu à peu leurs souvenirs et peuvent devenir dangereuses.
En se cachant dans un hôtel abandonné au fond des bois, Max et son mari Ory ont échappé à la fin du monde tel qu’ils l’ont connu. Leur nouvelle vie semble presque normale, jusqu’au jour où l’ombre de Max disparaît…
Avis : Le livre de M part du postulat que vous pourriez perdre votre ombre. Vous savez ce truc qui s’attache à chacun de vos pas, de vos gestes, que vous ne voyez même plus ? Et que ce phénomène va déclencher l’apocalypse. Car cette ombre non seulement vous allez la perdre, mais c’est grâce à elle que vous êtes « vous ». Elle est la gardienne de vos souvenirs, de vos apprentissages, du possible et de l’impossible.
Cette idée même, ainsi que tout ce que Peng Shepherd construit autour, notamment dans la dernière partie du roman, est vraiment très originale. N’espérez pas en comprendre le comment du pourquoi ou le pourquoi du comment en revanche. Il faudra accepter de vous laisser porter. La forme elle, est assez classique : une quête et un road trip, des trahisons, la montée d’extrémismes religieux, des combats, l’espoir. Mais un récit qui dessine une histoire universelle, qui parle du pouvoir de la mémoire, d’identité, des liens qui nous unissent.
Dans ce nouveau monde fait de peur et d’incertitudes, nous suivons 4 personnages. Ory et Max, un couple marié qui va se retrouver séparés. Naz, une championne Iranienne de tir à l’arc qui a immigré aux États-Unis afin de participer aux Jeux Olympiques. Et « Celui qui rassemble », un homme souffrant d’une amnésie causée, non pas par le phénomène, mais par un choc à la tête.
Les chapitres consacrés à ce dernier étaient vraiment très intéressants. Ils apportent une autre perspective, de la hauteur au récit. Ils permettent de voir le contexte dans son ensemble, et de sortir des frontières américaines. Ceux où nous suivons Max ont été mes préférés. J’ai ressenti une profonde empathie pour elle, j’ai tremblé pour elle, et j’ai aimé la suivre dans ses pérégrinations, au côté des membres de son groupe. Les premiers dédiés à Naz étaient très touchants, avant qu’elle ne s’uniformise et ne devienne un peu plus transparente. Je me suis moins intéressée à Ory, particulièrement dans toute la partie qui se passe à Washington et qui m’a même plutôt ennuyée. La quête qui s’y déroule m’a parue sans queue ni tête.
Une choses est sûre, j’ai été frappée par la tristesse qui se dégage du Livre de M. Son impitoyable final lui, touche au cœur.
Roman publié aux éditions Albin Michel (Imaginaire) – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Annne-Sylvie Homassel
Le livre de M a gagné le Neukom Award 2019
L’avis de Gillossen, Feydrautha