La frontière / Don Winslow

La frontière / Don Winslow

couverture du roman La frontière de Don Winslow
Art Keller, tome 3

Art Keller, ancien agent de la DEA, est recruté par le sénateur républicain O’Brien pour participer à une opération officieuse au Guatemala : aider le cartel de Sinaloa, dont la mainmise sur le Mexique assure un semblant de stabilité à la région, à se débarrasser d’une organisation rivale sanguinaire, Los Zetas. La rencontre organisée entre les dirigeants des deux cartels tourne au bain de sang : les trafiquants s’entretuent et le parrain de Sinaloa disparaît. Keller retourne alors au Mexique, où il retrouve la femme qu’il aime, Marisol. Maire d’une petite ville, celle-ci résiste vaillamment aux cartels, malgré la tentative d’assassinat qui l’a laissée infirme quelques années plus tôt. Quand O’Brien propose à Keller de prendre la tête de la DEA, il y voit l’occasion de lutter contre les organisations qui sèment la mort en Amérique. Il accepte.

Avis : Me revoici donc plongée avec plaisiret aussi horreur (au vu de la corruption et de la violence plus ou moins gratuite de ces cartels de la drogue) dans le dernier roman de Don Winslow, La frontière, avec Art Keller comme emblème !

Keller, qui a tenté plusieurs fois dans sa vie de se retirer de la guerre contre les narcos, est rappelé, pour cette fois prendre la tête de la DEA (Drug Enforcement Agency). O’Brien, qui l’avait pris pour participer au nettoyage de Los Zetas au Guatemala, l’appâte donc avec l’idée de vraiment faire changer les choses, d’avoir les mains libres et de pouvoir mettre un point final aux agissements des cartels et donc d’éviter la mort de millions de personnes des deux côtés de la frontière.

Art est un homme qui se battra pour ses convictions, tant qu’il lui reste un souffle de vie. Et c’est vraiment ce qu’il va se passer dans ce livre : il va aller jusqu’à risquer la découverte de ce qu’il s’est passé au Guatemala… et manquer mourir, mais ça, il y est habitué. C’est plusieurs fois par roman !

Je vous passe les détails (policiers infiltrés, maîtresse complètement frappadingue des narcotrafiquants, retour du passé avec Nora, chantage, enlèvement, corps mis en scènes et peints aux couleurs des différents cartels, exemples bien glauques de ce que doit faire une junkie pour avoir sa dose, passage de frontière houleux, ce que l’on doit faire pour un gang dans les quartiers des USA, ce que l’on voit dans les champs reculés d’Amérique centrale ou du sud…). Ils sont sordides, vicieux, tristes et écœurants. Je ne vous raconte pas non plus, tous les rebondissements : ils font tout le sel de ce pavé. Sachez juste qu’il y en a beaucoup : des malins, des visibles à quelques lieux à la ronde et des tordus aussi.

Par contre, je vous dis le plaisir de retrouver Art Keller et son caractère de chien. Il faut lire les livres de Don Winslow sur les cartels (Cartel, La griffe du chien, Corruption ou celui-ci) rien que pour l’humour légendaire de Keller et ses réparties bien senties que ce soit auprès des gros bonnets de la politique ou des cartels.

Mais le meilleur dans ces lectures est bien sûr, d’en apprendre plus sur les cartels, leurs ramifications et les corruptions qui en découlent. Don Winslow mène l’enquête (3 pages de remerciements pour les journalistes, policiers et lanceurs d’alerte qu’il a consulté) et en sort des fictions qui fleurent bon (malheureusement !) le véridique.

Avec La Frontière, Don Winslow termine son propos sur la guerre de la drogue que mène les États-Unis depuis des décennies. Cette guerre n’a rien apporté, il y a encore plus de drogués, il y a eu des milliers de morts (overdose, guerre des gangs dans les quartiers, guerre des narcos en Amérique du sud ou centrale) et des milliards de dollars sont partis en fumée. Et il émet une virulente opposition aux politiques de tous bords qui ont profité de l’argent sale. Son titre étant, bien sûr, un énorme rappel à ce que Trump souhaite réaliser : un mur à la frontière, payé par les mexicains eux même !!!!

La frontière est donc un réquisitoire contre les politiques menées depuis des décennies aux États-Unis et dans les pays d’Amérique du Sud. Don Winslow montre du doigt l’administration Trump encore plus qu’il ne le fait de celle d’Obama. Mais le résultat est le même, on prend un plaisir malsain à voir les rouages de ce problème immonde qu’est la drogue, ainsi que le pouvoir et l’argent qu’elle entraîne. C’est passionnant mais on n’en ressort pas indemne aussi virtuose soit-il pour que la pilule passe par le truchement de son écriture rythmée et agréable.

Roman publié aux éditions HarperCollins (Noir) – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch

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