Lumières noires / N. K. Jemisin

Lumières noires / N. K. Jemisin

Couverture de Lumières noires de N K Jemisin

À La Nouvelle-Orléans, des dragons hantent les rues inondées après le passage de Katrina ; dans les États esclavagistes du Sud, une mère noire tente de sauver sa fille d’impossibles promesses ; tandis que, dans cette autre réalité, les monstres et les héros créés par l’humanité survivent à la mort de celle-ci, mais pour combien de temps encore, et dans quel but ?

Avis : J’ai adoré Lumières noires autant pour sa capacité à me faire voyager, avec son immense imaginaire, dans des lieux et des époques si différentes pour ces 22 nouvelles, mais aussi, car si l’imaginaire est grandiose, les propos (lutte des femmes, lutte contre le racisme ou les préjugés, lutte contre le je-m’en-foutisme des états, désolation sur l’écologie…) sont ce qui les rendent universelles.

J’ai été ensorcelée dès les premières pages de l’introduction. L’autrice est brillante et la lire raconter ses tâtonnements dans l’écriture, est plus qu’intéressant. Elle parle de groupe d’écriture, de soutien et de croire en soi. Je pense que c’est ce que tout écrivain(e) devrait entendre. Sachant qu’elle se moque gentiment d’elle-même alors qu’elle a obtenu de grands prix (dont le Hugo pour ses Livres de la terre fracturée).

Je ne peux résumer les 22 nouvelles, qui sont toutes différentes mais qui abordent trois grands thèmes chers à mon cœur : l’écologie, la répartition des richesses et l’égalité (homme-femme, Noir-Blanc, riche-pauvre, jeune-vieux…). Cela n’est jamais barbant, et N.K. Jemisin n’est jamais là où je l’attendais.

Elle est capable de parler de la magie des nuages-dragons quelque part sur notre terre rendue exsangue et dont une partie de la population a fui dans l’espace dans un avenir pas si lointain, puis de dragons-lézards à la Nouvelle Orléans lors de la tempête bien réelle Katrina… et là, ce n’est pas la qualité de nos gouvernants qu’elle applaudit mais bien la capacité des pauvres gens à survivre.

Elle voit des esprits-villes qui veillent sur les habitants de mégalopole, ou au contraire qui s’entretuent pour y régner seul, et enfin dans une troisième nouvelle, elle convoque des esprits-blancs machiavéliques venus voler les pouvoirs des Noirs. Tout ceci étant bien sur des métaphores poétiques sur la ségrégation ou la ghettoïsation des grandes villes.

Elle fait naître des luttes humaines dans des mondes où, soit les intelligences artificielles, soit des manipulations génétiques ont créé de nouveaux maîtres aux humains ! Ce ne sont plus les Blancs ou les plus riches, mais des entités qui vivent sur le dos (parfois au sens propre !!!! beurk !) des terriens. Et parfois, des beaux conteurs ou des supers prédateurs qui avancent masqués ne sont bien que des beaux parleurs et prendront le pouvoir avant que nous ayons dit… au secours !

Elle revêt la cuisine de vertus (je reprendrais bien un peu d’immortalité) et invente un restaurant qui cuisine des souvenirs. La petite madeleine n’est plus très loin ! Mais c’est beaucoup plus digeste que du Proust 😉 Et elle s’interroge et nous ouvre la voie de cette interrogation sur les nouvelles technologies et le progrès tout court. Et sur notre croyance en leur bien fondé. Il y est question d’IA bien sûr, mais aussi de voyage dans l’espace ou dans le grid du net.

Bref, N.K Jemisin est une pépite qui fait feu de toutes les anomalies de nos vies, et rajoute du mystère, de la magie, de l’imaginaire, de la beauté, un peu de raison et surtout de la lumière, appelée aussi espérance.

Roman publié aux éditions J’ai lu (Nouvaux Millénaires) – Traduit de l’anglais par Michelle Charrier

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