On l’appelle le Voyageur. Il a quitté une cité de canalisations et de barbelés, un cauchemar de bruit permanent et de pollution qui n’a de cesse de dévorer la forêt. Sous la canopée, il s’est découvert un pouvoir, celui de se téléporter d’arbre en arbre. Épuisé, il finit par atteindre un village peuplé par les descendants de la déesse Dana, une communauté menacée par les Fomoires, anciennement appelés “géants de la mer”. Là, il rencontre Sylve, une étrange jeune femme au regard masqué par d’impénétrables lunettes de glacier. Pour rester avec elle, dans ce village interdit aux Humains, le Voyageur devra mériter sa place.
Avis : Avec les livres, il y a parfois des relations surprenantes, bouleversantes, qui se créent, comme avec le récent Une cosmologie des monstres. Et parfois, la rencontre ne se fait pas… les 2 se croisent, mais ne parviennent pas véritablement à se parler, comme ici, avec Rivages.
Pourtant, j’ai été sensible au message de Gauthier Guillemin. Rivages est un conte utopique, voire philosophique – les chapitres sont même ouverts par des citations d’auteurs tels que Victor Hugo ou Baudelaire. À travers le voyage qu’entreprend son héros et sa quête presque initiatique de s’affranchir de sa cage de béton, de découvrir une vie plus simple, de retrouver le goût du merveilleux, l’auteur évoque la relation de l’homme à la nature, ainsi qu’une autre manière de construire la société qui tiendrait compte des forces et des faiblesses de chacun et qui prônerait le partage et l’entraide.
Après des journées harassantes, tous retournaient à leurs baraquements sécurisés pour la nuit, et s’y barricadaient, de crainte d’être surpris dans leur sommeil par des créatures, réelles ou imaginées, qui viendraient venger la déforestation.
Pourtant, malgré les jolies idées qu’il véhicule, je me suis ennuyée. Le style se veut poétique et, à l’image de sa couverture, le récit est dans la brume. De nombreux éléments sont passés sous silence, on navigue d’un point à l’autre sous forme d’étapes étranges et vaporeuses. Il y a très peu de dialogues, et de manière générale l’aventure du Voyageur a pour moi manqué de relief. Que ce soit par son histoire d’amour avec Sylve, l’Ondine, par les quelques obstacles qu’il rencontre ou par son choix de reprendre la route, je ne me suis pas sentie touchée. La narration est trop contemplative et n’est pas parvenue à m’impliquer.
Même si un tome 2 est d’ores et déjà annoncé, on peut tout à fait choisir d’arrêter sa lecture avec celui-ci, Rivages présentant une fin cohérente. C’est ce que je vais faire.
Un jour, nous reprendrons le voyage,
Nous nous fortifierons aux orages,
Et, creusant notre sillage,
Pour mettre fin aux étiages,
Nous percerons les nuages,
Nous irons de rivage et rivage.
Roman publié aux éditions Albin Michel (Imaginaire)
Célindanaé s’est laissée embarquer