En cet été de 1974, à South Boston, quartier irlandais de Boston, Mary Pat Fennessy mène une existence routinière. Un soir, Jules, sa fille de dix-sept ans, ne rentre pas à la maison, et sa trace disparaît dans la chaleur moite de la ville. La même nuit, un jeune Noir se fait mortellement percuter par un train dans des circonstances suspectes. Ces deux événements sans lien apparent plongent les habitants de Southie dans le trouble. D’autant que la récente politique de déségrégation mise en œuvre par la ville provoque des tensions raciales et qu’une grande manifestation se prépare. Dans sa recherche effrénée de sa fille, Mary Pat, qui croyait appartenir à une communauté unie, voit les portes se fermer devant elle. Face à ce mur de silence, cette femme en colère devra lutter seule pour faire éclater la vérité, si dévastatrice soit-elle.
Avis : 1974, dans le Massachussets. À Boston, plus précisément dans le quartier de South Boston, dit Southie pour les intimes. Époque où le « busing » doit emmener des jeunes noir(e)s dans les écoles blanches et inversement. Pour arrêter la ségrégation. Et où la mafia irlandaise, Marty Butler à sa tête, tire les ficelles.
Quand Jules, ne rentre pas à la maison, Mary Pat, sa mère, s’en inquiète bien un peu. Mais c’est surtout quand elle voit les amis de sa fille (Brenda, Rum et Georges) tenir un discours qui semble trop précis pour être honnête, et qu’il y a eu ce jeune homme noir, Augustus Williamson, mort dans la station de métro proche du dernier lieu où aurait été vu sa fille et que des flics, dont l’inspecteur Bobby, viennent la voir, qu’elle commence son long chemin de croix pour connaître la vérité.
À vrai dire, chemin de croix n’est pas vraiment, pas du tout même, le bon terme. Parlons plutôt de « violente prise de conscience » et de « distribution tarantinesque de retour à l’envoyeur ». Sans l’humour. Dennis Lehane est un grand conteur. Mais ses descriptions de ce quartier, à cette époque et du contexte inflammable, viennent tout droit de son vécu. C’est ce qu’il en avait dit lors des Quais du Polar 2023 de Lyon. Par visio, certes, mais quand même ! Le silence est un des meilleurs roman policier que j’ai lu : noir, sociétal et tellement vibrant de rage. La rage de se rendre compte qu’on a loupé sa vie pour que d’autres puissent réussir la leur. Et que c’est institutionnalisé jusque dans les moindres pensées et réflexes : de classe, de couleur et de sexe. Le suspense n’est pas vraiment de mise. Mais il affleure parfois, pour mieux nous emmener au fond des sentiments.
Voici donc un roman à lire. À méditer. À étudier à l’université. À scander. À relire. À prêter. À offrir. À vivre…
Le silence de Dennis Lehane est un roman publié aux éditions Galllmeister – Traduit de l’américain par François Happe.