Autrice aux multiples facettes, Catherine Dufour s’est illustrée aussi bien dans la fantasy et la SF (Grand Prix de l’Imaginaire, Prix Bob Morane… ) qu’elle sait parler de la grande Histoire ou dégenrer les métiers. C’est aujourd’hui de son dernier roman, Au bal des absents, qu’elle nous fait le plaisir de venir nous parler.
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Je me suis beaucoup amusée en lisant votre livre – ce n’est pas « drôle » au sens courant du terme, et pourtant ça l’est vraiment. Alors je me suis demandée si vous, vous étiez amusée en l’écrivant ?
Oui, je me suis amusée et pourtant, j’ai aussi eu peur. Pour tout vous dire, j’évitais de l’écrire la nuit toute seule.
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L’humour noir c’est quelque chose qui vous est naturel ?
L’humour, pour moi, sauve de bien des choses dans la vie. Il repousse la tristesse et l’ennui, colore les jours les plus sombres et permet un décalage salvateur face à la terreur. Luis Sepulveda raconte comment, dans les geôles de Pinochet, l’humour lui a permis de survivre. C’est une qualité humaine que je trouve indispensable, et hélas assez sous-estimée.
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Les références à la littérature et au cinéma d’horreur sont nombreuses. C’est un genre qui vous plaît ? avez-vous dû vous-même vous (re)plonger dans ces classiques ?
Oui, je me suis replongée dans les classiques : Stephen King, Lovecraft, Bram Stoker et les autres. Mais j’ai surtout fait appel à des années et des années de pratique de la littérature d’angoisse, sans oublier les films et les séries. Ma première influence, bien sûr, est « The haunting of hill house », le roman de Shirley Jackson, puisque que le logement de tante Colline, qui est au centre de mon roman, se traduit en anglais par « The housing of aunt Hill ».
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Sous couvert de rire et d’horreur, vous abordez des problématiques de société très actuelles, et vous portez notamment un regard acéré sur pôle emploi. De plus avec Claude on est loin du personnage cliché, « looser », chômeur longue durée. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce thème ?
Les chercheurs et chercheuses d’emploi sont les héros et les héroïnes de notre temps. Il n’y a pas de rocher plus escarpé que le chômage, et pour en triompher, il faut des qualités de courage et d’opiniâtreté remarquables. Si j’ai choisi ce thème, c’est parce que je voulais opposer les angoisses de l’esprit (celles d’une maison hantée) et les angoisses très concrètes du chômage et du déclassement social.
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Claude est une héroïne pas comme les autres. Pas tout à fait la plus sociable et qui a quelques cadavres dans son placard. Comment avez-vous abordé ce personnage ? Que vouliez-vous faire passer à travers elle ?
Claude est une femme qui voudrait juste vivre sa vie, et qui est happée dans l’engrenage terrible d’une société qui supporte mal qu’on ne se présente pas spontanément comme un produit vendable. Peu sociable, sans aucune ambition de self-marketing, c’est l’anti-instagrammeuse. Elle parviendra cependant à s’en sortir, en gardant la tête froide et le cuir dur. Je parle là de résilience.
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Il est question aussi, un peu plus à la marge, mais tout de même bien présent, des violences conjugales. Voulez-vous nous en parler ?
Je suis, comme vous sûrement, hantée par ces femmes qui cherchent à fuir leur futur assassin et n’y parviennent pas. Dans mon livre, j’ai imaginé un refuge pour femmes harcelées qui se refermerait, comme un piège, sur les harceleurs. Disons que c’est un fantasme commun, non ?
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C’est la première fois qu’un de vos romans parait au Seuil. J’étais d’ailleurs étonnée de voir le roman paraître dans une collection estampillée « polar » alors que pour moi on est plus dans du fantastique. Quel en a été le cheminement éditorial ?
Il y a bien une enquête policière. Claude est envoyée par un commanditaire américain enquêter sur la disparition de toute une famille. Mais le monde dans lequel est plongé Claude est une telle accumulation d’illusions qu’elle en vient à se demander si quoique ce soit existe : l’enquête, le commanditaire, et même les victimes. Cette dissolution du réel, je l’ai puisée dans Bret Easton Ellis, mon maître à écrire.
Crédit photo : ©Maryan Harrington