Interview de Franck Thilliez

Interview de Franck Thilliez

Chez les Pipelettes, on est plutôt fan de Franck Thilliez (Lisou dévore sa série phare, Sharko & Hennebelle, et Zina tous ses one-shot). Il nous avait déjà fait le plaisir de répondre à quelques questions pour Rêver, c’est aujourd’hui de son dernier roman, Il était deux fois, dont il vient nous parler.

  • J’ai adoré l’idée derrière votre nouveau roman, Il était deux fois, ce petit lien que vous faites avec Le manuscrit inachevé. Lorsque vous avez écrit Le manuscrit aviez-vous déjà cette perspective en tête ? Ou vous est-elle venue après ?

couverture du roman il etait deux fois de franck thilliezJe n’avais pas l’idée précise en tête, mais j’avais laissé volontairement des portes ouvertes dans « le Manuscrit », en me disant que, peut-être un jour, je pourrais les exploiter. Ce qui est peut-être le plus étrange, dans « Le Manuscrit », c’est le prologue qui est fait par le fils de l’écrivain. Ce fils explique que l’on va lire le manuscrit de son père, plus de 500 pages trouvées dans un grenier. Pas mal de lecteurs se sont demandé le sens de ce prologue. Ils se sont dit : pourquoi ne pas démarrer directement l’histoire ? Pourquoi ne pas entrer immédiatement dans le vif du sujet ? A quoi sert cette « astuce » scénaristique ?
Eh bien, cette mise en abyme m’a servi à créer une « mythologie » aux origines du « Manuscrit », qui est expliquée dans Il était deux fois.

  • Vous avez d’ailleurs mis la solution à la dernière énigme du Manuscrit dans votre livre (à laquelle j’ai moi-même était surprise de recevoir beaucoup de demandes d’explications). Était-ce pour répondre à une demande de vos lecteurs ?

Oui. Encore une fois, des lecteurs ont été troublés par la fin du « Manuscrit », qui reste ouverte (quoi que, elle ne l’est pas réellement quand on dispose de toutes les clés). Personnellement, j’adore les fin qui laissent une grande place à l’imaginaire, où c’est au lecteur de faire ses choix, de tracer une suite possible. J’avais pleinement conscience, en écrivant cet épilogue, qu’il en perturberait plus d’un, qu’il susciterait des réactions, qu’il engendrerait quelques débats, notamment sur les réseaux.
Je me suis dit, deux ans après, qu’il était temps d’apaiser quelques frustrations, et d’apporter, dans Il était deux fois, une vraie solution à la fin du « Manuscrit ».

  • Mais revenons à Il était deux fois. Gabriel, votre héros, souffre d’une amnésie psychogène grave. Ce n’est pas la première fois que vous traitez du thème de la mémoire, et vous semblez toujours nous en faire découvrir un nouvel aspect. Qu’est-ce qui vous fascine autant dans ces mécanismes ?

J’ai l’esprit scientifique, et j’essaie toujours de glisser des sujets liés à la médecine, au cerveau, à l’internet, aux réseaux sociaux, à la génétique… Et à la mémoire, qui me fascine. Comment fonctionne-elle ? Comment se stockent nos souvenirs, comment se reconstituent-ils ? Sont-ils fiables ? Une personne qui n’a pas de mémoire a-t-elle encore une existence ? En dehors de mon intérêt personnel pour le sujet, c’est un thème dramatiquement très riche, qui permet de créer des personnages forts, batailleurs, qui vont devoir surmonter beaucoup d’épreuves pour s’en sortir. La difficulté, lorsqu’on parle d’amnésie dans un polar, c’est de la traiter de façon originale, sans qu’il y ait une impression de déjà-vu, car c’est un sujet presque usé jusqu’à la corde dans la littérature et au cinéma. Il a donc fallu creuser pour trouver la bonne accroche qui embarque le lecteur dès les premières pages.

  • Une autre composante qui apparaît régulièrement dans vos romans est d’offrir à vos lecteurs des petits jeux, des codes à résoudre entourant votre intrigue. Faîtes-vous beaucoup de casse-têtes et de jeux de logique dans votre quotidien ? Comment préparez-vous cette partie-là de vos romans ?

couverture de Rever de Franck ThilliezJ’essaie de faire de chaque roman une « expérience artistique », qui va au-delà de ce que raconte le livre. J’adore la complexité, les casse-têtes, les problèmes mathématiques et les puzzles. Plus jeune, j’étais abonné à un tas de revues sur le sujet. Dans Rêver, l’un de mes romans précédents, le chapitres n’étaient pas dans l’ordre chronologiques mais constituaient quand même une histoire. Dans Puzzle, les gens pouvaient découvrir des dessins de pièces de puzzle à chaque début de chapitre, ce qui permettait, à la fin de la lecture, de reconstituer une image livrant certaines réponses à l’intrigue. Pour Le manuscrit inachevé, c’est une mise en abyme du lecteur, avec des indices à découvrir dans la forme même du texte. J’ai prolongé l’expérience avec Il était deux fois, dont la recherche des indices me fait penser à une petite chasse au trésor. Bref, j’adore jouer avec l’imaginaire des lecteurs, les faux-semblants, les fausses pistes.

  • Il est également beaucoup question d’art dans ces pages. L’art de l’écriture, mais pas que. Êtes-vous vous-même amateur d’art ?

J’aime l’imaginaire, la création, l’originalité, les inventions, donc oui, j’aime l’art, qui est partout autour de nous, sous toutes les formes. Lorsqu’on est romancier, on invente des histoires, on crée de la matière littéraire, on est soi-même artiste et donc, j’ai en permanence cette interrogation sur les raisons qui peuvent pousser les artistes à créer. Cela découle-t-il de l’observation d’une époque, d’un besoin de transmettre, d’une nécessité absolue d’extraire de soi-même un surplus d’imagination ? Ou y a-t-il quelque chose de plus profond encore ?

  • Croyez-vous au crime parfait ?

Difficile de répondre à cette question, ça dépend ce qu’on entend par-là. Un crime est-il parfait lorsqu’un assassin ne se fait pas prendre ? Lorsqu’il passe pour autre chose qu’un crime ? Lorsqu’il n’y a pas de corps, et donc, très peu de possibilité d’enquêter ? Un crime parfait pourrait-il être celui que l’on commet après sa mort, c’est-à-dire que l’on est identifié comme coupable, mais que l’on ne peut pas être jugé ?
Si on le prend au sens hitchcockien du terme (un individu essaie de commettre un crime en mettant toutes les chances de son côté pour ne pas se faire prendre), je pense que le crime parfait peut exister à l’instant T (combien de criminels sont encore aujourd’hui en en liberté), mais que tôt ou tard, la vérité finit par éclater, grâce aux évolutions scientifiques et à toutes ces technologies qui rendent le « travail » de tout criminel de plus en plus complexe. Quel meurtrier des années 80 aurait pu imaginer qu’on ressortirait trente ans plus tard un morceau de vêtements de sa victime avec une infime partie d’ADN qui l’incriminerait ?

  • Vos romans sont souvent très visuels, et celui-ci n’échappe pas à la règle. Et depuis quelques années les adaptations ont le vent en poupe, pourtant on vous y a peu vu à part La chambre des morts, et Puzzle (sorti directement en VOD sous le titre de Play or Die). Y a –t-il des projets en cours, série ou ciné ?

affiche du film play or die adapte du roman puzzle de franck thilliezIl y a toujours eu des projets en cours autour de mes livres, mais ça prend énormément de temps. Parfois, des développements se font et sont abandonnées, pour des raisons X ou Y, alors les livres redeviennent libres de droits, puis les droits sont de nouveaux, acquis par une société de production, etc… Il y a pour le moment deux projets qui ont de bonnes chances d’aboutir : l’adaptation du Syndrome E pour une série TV, et celle de REVER pour le cinéma. Il n’y a plus qu’à croiser les doigts pour que cela se fasse !

  • Pouvez-vous nous parler de votre prochain roman ? Un nouveau Sharko et Henebelle ?

Oui, je suis en train d’écrire une nouvelle aventure avec Sharko, il y aura une belle surprise, mais chut !

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