On ne présente plus Franck Thilliez, membre de la Ligue de l’Imaginaire, et auteur de plus d’une dizaine de thrillers à succès dont la fameuse série Sharko et Henebelle. C’est aujourd’hui de son dernier roman, Rêver, où il est question de narcolepsie, de rêves et de cauchemars, et surtout d’un terrible suspense, qu’il nous fait le plaisir de venir nous parler.
- Comment s’est passée l’écriture de votre roman, Rêver ? L’avez-vous écrit comme il nous a été présenté, avec une temporalité altérée, ou bien de manière linéaire, et vous êtes-vous ensuite amusé à brouiller les cartes ?
J’ai imaginé la trame chronologique avant de commencer l’écriture, et je me suis vite dit qu’il y aurait deux périodes distinctes : l’une au moment de l’accident de voiture, et l’autre plus éloignée (de six mois), où l’on verrait que l’enquête de gendarmerie piétine, et où l’on trouverait une Abigaël différente, qui aurait en partie seulement surmonté le drame. C’est ensuite que j’ai imaginé cette structure oscillant entre les deux époques, permettant de jouer avec les émotions et attentes du lecteur. Surtout, je voulais vraiment déstructurer le roman à la manière d’un rêve : on ne sait plus très bien quand ça commence ni quand ça se termine, ni où l’on se trouve précisément dans le scénario…
- Il y a souvent une part de science dans vos livres, pourquoi ? Et comment choisissez-vous quel aspect vous allez décortiquer ? Mettre sous la sellette de votre plume ?
Parce que j’ai toujours aimé la science, j’ai l’esprit scientifique ! Je m’intéresse beaucoup aux thèmes qui touchent profondément notre structure d’être humain, en rapport avec l’existence, les souvenirs, le destin… J’ai déjà traité de la mémoire, de la psychiatrie, de l’impact des images violentes sur le cerveau, de l’ADN… Il fallait bien que je parle un jour du sommeil, on passe quand même le tiers de notre vie à dormir !
- Dans Rêver, c’est la narcolepsie qui fait l’objet de votre attention. C’est un sujet assez fascinant et qui a les composantes rêvées (c’est le cas de le dire !) pour un auteur de thriller.
En effet. Au départ, je me suis dit que j’allais parler du somnambulisme, trouble du sommeil que je trouve fascinant. Mais il y avait déjà eu pas mal d’histoires sur le sujet. En creusant mes recherches, je me suis rendu compte que la narcolepsie pouvait être une excellente alternative, surtout lorsque j’ai découvert à quel point l’imaginaire pouvait prendre une place importante dans l’esprit d’une personne atteinte par cette maladie. Quoi de mieux pour perdre le lecteur entre fiction et réalité, ce que j’essaie de faire en permanence dans mes livres ?
- Vous citez Inception dans le roman, et la structure un rêve dans un rêve n’est bien sûr pas sans rappeler le film de Christopher Nolan. Vous a-t-il inspiré ?
Il fait partie de mes grosses références, surtout que Nolan est l’un de mes réalisateurs préférés. Il y a également aussi un peu de Memento, avec l’aspect déstructuré et perte de mémoire, et pas mal de Wes Craven, avec Les Griffes de la nuit, film qui a fait cauchemarder toutes les personnes de ma génération !
- Vous écrivez : « Les écrivains de romans noirs sont souvent hantés par des démons ». Cela vaut également pour vous-même ?
Il faut bien entretenir la légende ! Disons que je pense qu’il y a une raison initiale qui nous pousse vers l’écriture, un besoin d’expulser un trop-plein, peut-être. Mais je pense aussi qu’il faut être parfaitement équilibré pour écrire ce genre d’histoire, avoir paradoxalement l’esprit sain et ordonné. Non, les auteurs de thrillers ne sont pas des psychopathes !
- Abigaël, votre héroïne, est psychologue criminologue, type de personnage beaucoup plus courant outre-Atlantique. Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler dessus ?
Je voulais un personnage en contact avec le milieu de l’enquête, mais qui ne soit pas policier ni gendarme. Il fallait qu’elle ait sa marge de liberté et de « folie ». Le métier de psychologue m’a paru judicieux, qui n’est plus si décalé que cela avec le monde réel de la police judiciaire : les enquêteurs français font de plus en plus appel à ce genre de personnes dans les enquêtes complexes.
- Lorsqu’elle enquête sur Josh Heyman, Abigaël va lire les avis sur ses livres. Est-ce que cela vous arrive aussi ? Est-ce qu’à chaque sortie de l’un de vos romans vous allez voir ce que vos lecteurs en ont pensé ?
Bien sûr ! C’est important pour moi de savoir si l’histoire sur laquelle j’ai travaillé un an à plein temps plaît aux lecteurs. Le propre du roman est d’être lu, un romancier ne se raconte pas des histoires qu’à lui-même, il les écrit pour les partager. J’ai toujours tenu compte des avis des lecteurs, ils m’ont aidé à évoluer.
- Si on est attentif à sa lecture, il est possible de trouver le code qui débloquera un chapitre supplémentaire sur le site de l’éditeur. Le puzzle ultime à reconstruire ? Une manière d’impliquer encore plus votre lecteur ?
J’aime bâtir mes intrigues comme des jeux avec le lecteur, qui vont au-delà de la simple lecture linéaire de pages. Dans Puzzle, par exemple, on trouvait une pièce de puzzle à chaque début de chapitre, les lecteurs se sont amusés à photocopier et à reconstruire l’image, qui apportait un éclairage supplémentaire sur l’intrigue. Pour Rêver, j’ai construit le livre avec un chapitre manquant. Il n’est pas nécessaire de le lire pour comprendre l’histoire, mais il est un bonus qui permet de prolonger le jeu.
- J’ai lu une fois que vous aviez toujours besoin, dès la fin d’un ouvrage, de savoir sur quoi vous alliez travailler ensuite. Est-ce encore le cas aujourd’hui ? Et dans ce cas, pouvez-vous nous parler de votre prochaine parution ?
À la fin d’un livre, il y a comme un grand vide, que j’essaie de combler le plus rapidement possible en me focalisant sur une prochaine histoire. Ça permet de garder l’esprit occupé ! Prochaine parution en 2017, avec une nouvelle aventure de Franck Sharko et Lucie Henebelle, et une grosse surprise qui devrait en étonner plus d’un !