Le Demi-Monde, Tome 1
Quatrième de couverture : Le Demi-Monde est la simulation informatique la plus avancée jamais conçue. Créée pour entraîner les soldats à la guérilla urbaine, ce monde virtuel est bloqué dans une guerre civile permanente. Ses trente millions d’habitants numériques sont gouvernés par les avatars des plus cruels tyrans de l’Histoire : Heydrich, l’architecte de l’Holocauste ; Beria, le bourreau de Staline ; Torquemada, l’Inquisiteur sans pitié ; Robespierre, le visage de la Terreur…
Quelque chose s’est cependant détraqué à l’intérieur même du Demi-Monde, et la fille du Président des États-Unis y est restée coincée. Il incombe à l’agent Ella Thomas d’aller la récupérer, mais, une fois sur place, la jeune femme se rend compte que les règles du jeu sont faussées…
Le monde réel pourrait bien courir un danger que nul n’a encore osé imaginer !
Je remercie les éditions J’ai Lu pour cette lecture
Avis : Sous prétexte de simulation informatique dont les concepteurs auraient perdu le contrôle, Rod Rees s’amuse visiblement dans une réécriture habile et intelligente de notre histoire et de nos religions et dogmes. Avec pour point d’orgue, l’un des pires épisodes de notre histoire récente : la montée du nazisme. Il emmêle les codes, use de nombreux jeux de mots, se promène, invente, transforme… Ce mélange de cyberpunk et de steampunk associés d’histoire est très réussi. Et l’intrigue, élaborée et pleine de rebondissements, n’est pas en reste.
Pour faire avancer son récit, l’auteur, nous présente trois figures de femmes, de milieux et de caractères forts différents les uns des autres : Ella, la jeune femme engagée pour récupérer Norma, la fille du président attirée dans le Demi-Monde, et Trixie, une jeune fille demi-mondienne de bonne famille. Cette dernière m’a tout de suite été antipathique, et c’est un sentiment qui ne s’est pas vraiment amélioré au fil de l’histoire. Elle est non seulement profondément raciste, mais elle trouve également normal d’avoir des esclaves et de les rudoyer. C’est un personnage que j’ai trouvé assez détestable, avec des vues aux antipodes des miennes. Norma m’a plu davantage. Particulièrement dans la première partie, où elle se montre très courageuse face à l’ennemi. Dans la seconde, elle se révèle, par contre, assez insupportable et se comporte en jeune fille riche pourrie gâtée, dès qu’il y a quelqu’un pour l’aider. Ella, est l’atout sympathie du roman. Elle a bon cœur, mais sait être pragmatique, même si elle n’hésite pas à se mettre en danger pour aller au bout de ses engagements.
La première partie voit alterner les chapitres entre la capture de Norma et le recrutement d’Ella. C’est là que nous est expliqué ce qu’est le Demi-Monde. Et bien que cela soit fait pas à pas, ce n’est pas du tout ennuyeux. C’est un univers complexe, que nous ne cesserons de découvrir au fil de la lecture. Ce monde est fouillé et très bien construit. Toutefois, un point a été laissé complètement dans le flou et cela m’a un peu dérangé : il s’agit de la reproduction. Chaque demi-mondiens est la copie d’une personne existante ou ayant réellement existé dans le monde réel, ce qu’on appelle un « dupe ». Et ces personnes créées par un programme informatique, bien que dotées d’intelligence et de sentiments, ne sont pas de chair et de sang, ne possèdent pas tous les organes inhérent au corps humain. Pourtant, leurs enfants courent les rues et la reproduction interraciale y est interdite. C’est donc qu’ils considèrent cela comme possible, mais comment ? J’aurais apprécié quelques explications.
Bien que j’aie trouvé, par ailleurs, l’histoire excellente et très rythmée, certains choix de l’auteur m’ont laissé perplexe. Le fait que ce soit une jeune femme lambda qui soit choisie pour sauver la fille du président en plein milieu d’une guerre urbaine, ne m’a pas semblé très crédible. Qu’elle soit débrouillarde, en bonne condition physique et qu’elle ait un bon instinct ne me parait pas suffisant pour justifier ce choix. J’ai, en effet, du mal à croire qu’il n’existait pas dans toute l’armée des États-Unis une jeune femme noire et sachant chanter le jazz, condition sine qua non à l’infiltration dans le Demi-Monde. De même, lorsque plus loin, une jeune fille sans aucune qualification militaire prend le commandement de révolutionnaires face à des soldats aguerris. Le fait qu’elle se montre, alors qu’elle n’a aucune expérience et sans même avoir jamais lu un livre sur la stratégie en temps de guerre, plus avisée et meilleure qu’eux, me laisse assez dubitative.
Au niveau de l’écriture, j’ai au début été déstabilisée par l’emploi d’un langage assez familier. C’est assez désagréable à la lecture et plutôt étonnant, surtout lorsque cela vient de personnes cultivées, mais qui s’expriment comme des charretiers. Particulièrement, lorsque cela se produit pendant un entretien d’embauche. Heureusement, cela s’attenue peu à peu, à moins que je me sois habituée. J’ai également eu, par moments, l’impression que l’auteur ne savait pas trop s’il écrivait pour un public young-adult ou adultes. Le ton du propos est résolument adulte mais la moyenne d’âge des personnages est assez basse et il y a de nombreux adolescents. De plus, certains arcs scénaristiques, comme ceux cités dans le paragraphe précédant, font réellement penser à ce qu’on peut trouver dans un roman young-adult. A contrario, certains comportements ne sont pas en corrélation avec l’âge des protagonistes.
Malgré les quelques « critiques » que je viens d’émettre, Le Demi-Monde est une découverte intéressante et qui se lit avec plaisir. Cela fourmille de bonnes idées, c’est original et je suis plutôt curieuse de découvrir la suite !
« Nous voulions obtenir un Demi-Monde instable, où la violence pouvait éclater à tout instant. […] En fait, nous devions absolument éviter la paix dans notre Demi-Monde. En résumé mademoiselle, cette simulation constitue la plus extrême et la plus délétère des dystopies. »
Roman traduit par Florence Dolisi – Édité par J’ai lu (Nouveaux Millénaires)