Jade Daniels est une ado marginale, dotée d’un père violent et d’une mère absente, qui trouve refuge dans les films d’horreur. Lorsque le sang commence à couler dans sa bourgade lacustre d’Idaho, son esprit encyclopédique reconnaît les prémices d’un authentique slasher movie. Jade nous entraîne alors dans un cauchemar éveillé et laisse entrevoir un portrait surprenant, celui d’une jeune fille effrayée qui cherche désespérément un foyer. Mon coeur est une tronçonneuse est son histoire, sa vengeance et son triomphe.
Avis : A Proofrock dans l’Idaho, Indian lake a toujours été le centre d’horreurs : noyade plus ou moins inexpliquée, mort de centaines de wapiti, légende urbaine sur une sorcière et sa fille, morts au camp du coin surnommé Camp Blood… Jennifer Daniels dite Jade, en bonne fan de l’horreur attend avec impatience les signes qui lanceront la nouvelle phase d’un slasher. Alors quand elle trouve un téléphone qui paraît avoir enregistré la disparition de 2 étudiants hollandais, elle sait que le cycle a commencé. Et se met en quête de la fille finale. En effet, dans les films de type slashers, il y a toujours une fille, forte mais aussi bonne (dans les 2 sens du terme) qui va avoir raison du meurtrier. C’est en Letha Mondragon, la sublime fille du riche entrepreneur noir, que Jade devine la fille finale et commence alors un stage intensif pour essayer de lui en apprendre le plus possible.
Ce roman est prenant. Et le fait qu’il ouvre une trilogie est encore plus happant. Mais ce n’est pas que parce qu’il y a le suspense tendu et glauque de tout bon slashers. Il y a la relation particulière de Jade avec l’autorité. En un mot, étrange ! Cette marginale ne fait pas les devoirs d’Histoire que lui demande son prof préféré, Mr Holmes, mais lui rend des dissertations de fou sur les slashers. Un chapitre sur 2 est d’ailleurs l’une de ses dissertations. Elle nargue la police mais respecte le shérif Hardy. Elle ne parle plus à sa mère, Kimmy, déteste son père, Tab et emmerde dès que possible le meilleur ami (biture et autre) de celui-ci, Rexall. Il y a bien sûr, le passé triste et glauque qui revient hanter certaines personnalités comme le shérif Hardy ou les parents de Jade.
Et il y a l’argent. Ou plutôt la différence de revenus et de statut entre les nouveaux, très très riches qui ont investit dans Terra Nova de l’autre côté du lac et qui envoient leurs enfants dans les écoles et lycée de Proofrock et les « rednecks » qui ne peuvent pas partir de ce bled paumé, minable et pauvre. Sans parler des « native americains » représentés par le père de Jade et Jade pour moitié et peut être bien aussi, les sorcières qui font la légende urbaine de Proofrock….
C’est donc à un puissant drame engagé, avec certes beaucoup d’hémoglobine, que nous convie Stephen Graham Jones.
« Histoire de l’Idaho, qu’elle surnomme Initiation au lavage de cerveau »
Et l’émotion est présente dans tout le roman. La peine pour ceux qui ont perdu quelqu’un qui leur ait cher (Shérif Hardy). La colère pour Jade qui voit son avenir dans les bières de son père ou pour tous ceux qui ne progresse pas dans leur vie. La tristesse des relations avortées. Et la joie aussi dans le respect ou l’amitié que Jade finit par tisser. Alors il faut quand même avoir le Cœur bien accroché et probablement en forme de tronçonneuse pour lire ce roman d’horreur. Mais le sous texte est également excellent.
Roman publié aux éditions Rivages noir – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabienne Duvigneau.