Les deux imaginaires du futur les plus forts aujourd’hui sont la démesure technologique et l’apocalypse environnementale. Ils se conjuguent pour susciter en nous une sidération, un court-circuit de la pensée et de l’action. L’enjeu de cet essai c’est de sortir de cette impasse en traçant des chemins et un horizon pour y arriver : la construction d’utopies politiques, lucides sur le long terme, d’inspiration anarchiste et terrestre, contre l’idéologie dominante et en toute conscience des risques de dystopie. Sa méthode : considérer les séries TV et les films de cinéma, les BD, les romans et les nouvelles de science-fiction comme une extraordinaire source de savoirs et de pistes pour comprendre les impasses actuelles de l’écologie et du tout numérique, puis tenter d’entrouvrir des voies alternatives pour demain.
Avis : Un tel livre est en même temps à mettre entre toutes les mains, mais aussi tellement dense qu’il faut le lire avec parcimonie et en étant fan des genres de l’imaginaire, mais ça ne doit pas vous surprendre !!!😝
Ariel Kirou prend exemple de nombreux romans des différents genres de l’imaginaire, issus de nombreuses périodes et d’autrices et d’auteurs très différents culturellement. Ses exemples lui servent à ouvrir le champ des possibles de notre futur réel… De ce que l’écriture peut permettre d’entreprendre, d’envisager ou de faire réfléchir quant aux bouleversements à venir.
Dans les imaginaires du futur déroule avec brio un vaste programme pour nous montrer que, ce que donnent à lire les auteurs, peut être un terreau fertile à des changements profonds dans notre vision de « l’apocalypse » climatique à venir et surtout sur les solutions à y apporter.
Et comment ne pas être d’accord avec lui quand il cite Alain Damasio et que celui-ci lui fait une volte-face de milieu de livre ? (Alain Damasio est un fou du bon mot et un auteur incroyable, La horde du contrevent et Les furtifs ont laissé une marque indélébile en moi). Comment ne pas ouvrir son corps, son esprit et son cœur quand c’est Les dépossédés d’Ursula le Guin, qu’il utilise pour faire comprendre les compromis et compromissions dont nous sommes les dupes ou les faiseurs ?
Ariel Kirou œuvre magistralement pour relier des livres du début du 19ème siècle avec les séries Black Mirror ou Tales from the loop. Et cela parle si naturellement de notre futur réel et avec des solutions, ou en tous cas des embryons de potentialité …
Car il n’assène pas de solutions, il ne nous dit pas « don’t look up » ou plutôt « look up » mais bien de s’ouvrir à des possibles… Son propos est dense, mais clair : c’est par le dialogue, l’imagination et l’acceptation de la difficulté de la tâche et beaucoup, mais alors beaucoup de lecture, que nous y arriverons.
Ce livre foisonne donc de conseils de lectures, films, docus, séries, et même de spectacles qui donnent à réfléchir sur nos visions stéréotypées et/ou cauchemardesques de notre avenir : terrorisme écolo/dictature consumériste, guerre nucléaire/virus, effondrement planétaire/exploration spatiale avec plus ou moins de perte de liberté et de régression technologique…
Vraie mine de bons plans lectures ou visionnages, Dans les imaginaires du futur propose également une pensée très intéressante sur notre avenir. Entre design fiction, bright mirror (qui serait l’opposé de la vision pessimiste de Black Mirror) et « utopie ambiguë », Ariel Kyrou ouvre des portes vers des pouvoirs émancipateurs, des eutopies et « une transformation à vivre, sociale, politique et écologique ».
Un bien beau programme que je vous recommande plus que chaudement !
Dans les imaginaires du futur est un essai publié aux éditions ActuSF (Les trois souhaits) – Préface d’Alain Damasio