Trois hommes au bord de la crise de nerfs se rencontrent à Marseille. Laurent, agent immobilier cynique et séducteur, n’ose pas annoncer son licenciement à son épouse, et encore moins à sa belle-famille bourgeoise. Farouk, père de famille et professeur dévoué, voit son monde voler en éclats après une découverte macabre dans son congélateur. Reynald, producteur de musique vieillissant, redoute de perdre sa femme, dont il gère la carrière et le corps avec un soin paranoïaque. Sur un forum échangiste, les trois maris se lient. Dans le déballage des humiliations et des fantasmes de ces mâles blessés, quelque chose se libère. Et l’irréparable se produit…
Avis : L’irréparable serait de NE PAS lire ce roman ! J’ai été enthousiasmée dès le début par ce polar qui met en scène trois hommes : Laurent, Farouk et Reynald et de loin, leurs familles.
Laurent est un ancien des aygalades, un quartier chaud de Marseille. Il s’est acheté une conduite, il s’est embourgeoisé en épousant Delphine, qui appartient à une famille catho bon teint. Mais seulement voilà, il perd son emploi d’agent immobilier et n’ose le révéler ni à son épouse ni à sa belle-famille.
Farouk, un petit professeur sans envergure, a une vie si rangée que c’en est cliché. Il croit que sa femme, Chloé l’a trompé et découvre, comme semble-t-il une preuve de plus, quelque chose dans son congélateur… qui lui glace les sangs !
Enfin, Reynald, ce producteur/manager de Lauriane, sa petite jeune femme de 24 ans, découvre qu’il ne peut plus bander et que de pygmalion rusé, il va finir vieux monsieur rouillé. Il a cru à ses propres mensonges sur le fait qu’il n’éprouvait rien pour elle, et qu’elle n’était que son gagne-pain, mais finalement tombe de haut lorsqu’il se rend compte de son attachement.
Ces trois hommes aux antipodes les uns des autres vont toutefois se retrouver par le truchement d’un site de candaulistes. Un site très particulier puisque des hommes y proposent leurs épouses à d’autres hommes. Un site de cocus qui choisissent eux même les amants de leurs femmes. Le candaulisme donc, les fera se rencontrer et donnera l’occasion à Reynald de voir sa femme coucher avec Laurent. Et Farouk sera passivement voyeur de cette rencontre. Mais avant ce tournant dans le récit, ils auront vécu une sorte d’épiphanie. Un coup de coeur amical, quand ils se rencontrent pour la première fois, tous les trois dans l’antre du bar la Luna, un bar à prostitués. Et voilà comment trois hommes, si différents vont en venir à souder leurs vies.
Husbands est un grand bonheur à lire, tant par ses rebondissements que par ses tournures de phrases. On passe de découvertes en découvertes. Pour Laurent, la plupart des rebondissements sont bien moches et relèvent d’une médiocrité, voire d’une bassesse puante. Mais aussi d’une folie, grandie en sous-main par la mise au ban de cet homme par lui-même mais aussi par sa belle-famille. Pour Reynald et Farouk, ils révèlent un véritable amour et une connaissance de l’humain qui est touchante.
Pour ce qui est du phrasé de ce roman, il est de ceux qui vous chamboulent l’esprit par leur précision chirurgicale et leur implication morale. Et la psychologie fine de Rebecca Lighieri est bluffante. Les citations sont justes et les réparties sont bien senties.
Les femmes, d’abord vues en creux par leurs maris, auront ensuite une présence de plus en plus importante et d’une grandeur magnifique. Enfin pour deux d’entre elles, car l’une sera déjà morte… Et la fin est d’une justesse et d’une finesse inouïe. Elle remet les pendules à l’heure, et ramène de la luminosité dans la vie. Le reste de l’histoire laisse toutefois un arrière-goût âpre, qui rend ce polar délicieusement troublant.
Je ne peux définitivement pas finir cette chronique sans parler du désir. Le désir, dans Husbands, est bien sûr celui des maris. De jouir de la vie. De leurs femmes. De leurs prérogatives pour Laurent. De sa soi-disant main mise sur sa carrière pour Reynald. De son petit train-train pour Farouk. Mais il se transforme vite en pulsion plus ou moins macabre, et non plus en pulsion de vie et de partage comme il devrait l’être le plus souvent. Et il deviendra celui des femmes, car pour au moins deux des personnages, il est aussi important que le leur. Mais si Rebecca Lighieri permet de mettre en lumière des travers et des perversions, elle remet aussi l’amour et l’humanité au centre de la vie de ses protagonistes.
Et rien que pour ça, Husbands vaut le détour.
Roman publié aux éditions Folio
Ce livre vous intéresse et vous souhaitez soutenir le blog ? Passez par un des liens Fnac ci-dessous pour votre achat, cela ne vous coûtera pas plus cher et permettra d’aider à financer le blog (en savoir plus) :