Un ptérodactyle géant arrache la Tour Eiffel, des statues de Mao ravagent Pékin, un Godzilla dévaste le port de Yokohama et des soucoupes volantes auraient procédé à des abductions dans l’Arkansas.
Une vague d’attentats tout aussi déroutants qu’inexplicables ébranle les symboles de puissance des nations les plus industrialisées. L’Europe est particulièrement touchée par cette nouvelle forme de terrorisme à nulle autre pareille, qui fait usage de forces surnaturelles mais épargne les vies humaines. Pour les États-Unis, la lutte contre les « sorciers du tiers monde » devient presque une mission sacrée, qui justifie même une invasion de la France et d’une partie de l’Europe sous prétexte de « protéger » le Vieux Continent… C’est dans ce contexte que Fric, jeune zonard français fraîchement sorti de prison, doit entamer sa réinsertion…
Avis : La saison de la sorcière est un conte moderne dont l’efficacité du divertissement n’entache en rien sa capacité à nous faire réfléchir.
Du conte, il a son lot de sorcières et de magie, comme « chevaliers » des jeunes des banlieues et comme cibles de railleries des GI. Il y a bien sûr la quête d’un graal avec une lutte du bien contre le mal. Tout y est !
La modernité tient dans le fait que le bien et le mal ne sont pas toujours du côté que l’on croit, que les chevaliers sont des jeunes fumeurs de beuh, et que la sorcière est bien plus sexy que celles avec verrues et chapeau noir de notre enfance.
Le vocabulaire iconoclaste où « cool » s’écrit « coule », « business » « bizness », où l’on peut être « américanolâtre » et où une phrase comme « foutu putain de nid de sorciers » s’énonce facilement, rend la lecture truculente.Un livre où l’on combat le capitalisme avec des phrases chocs (« passer par la case départ « est notifiée comme provenant d’un jeu capitaliste) et des ectoplasmes magiques, est, vous en conviendrez, délectable.
Les terroristes ne sont pas ceux que l’on croit, ni là où on les attend. Et si Roland C. Wagner part d’un fait réel (la chute des tours jumelles du World Trade Center) pour nous emmener dans une dystopie doublée d’une uchronie finalement pas si lointaine, c’est que qui m’a fait le plus frémir. Car le suspense, s’il existe un peu au début du livre, finit quand même par aller là où on l’attendait.
L’alternance entre la France et les U$A, l’utilisation de termes tels que « gestapo », « débarquement » et « front » ainsi que « l’opposition » qualifiée de « résistance » titille agréablement nos mémoires et notre patriotisme. Et rend cette dystopie bien plus proche du réel.
Les personnages français sont fantasques et leurs noms sont très distrayants (Fric, l’Ombre, Blek le Roc, Mix, Tit miss, Tête de maure, Lord…). Les personnages méchants sont juste nommés selon leur métier ou grade (Colonel, le Sri, le docteur, Brainwash, L’opérateur…). Le trust Tazu (joli nom donné aux étazuniens et autres capitalistes) est vilipendé et les collabos (gouvernements de tous pays ?) sont montrés du doigt.
Bref, La saison de la sorcière donne un tel coup de pied dans la fourmilière que c’en est jouissif.
Merci aux moutons électriques pour cette publication ébouriffante !
Roman publié aux éditions Les Moutons électriques (Bibliothèque voltaïque)
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