Il y a quelques semaines, je vous parlais du recueil inventif qu’est Crimes, aliens et châtiments. J’ai aujourd’hui le plaisir de recevoir 2 de ses 3 auteurs, Laurent Genefort et Laurent Whale.
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Pouvez-vous nous raconter l’aventure éditoriale de ce recueil ?
LG : Jérôme Vincent ne publiait plus de novellas, catégorie à laquelle appartient Jennifer a disparu. Il m’a d’abord proposé de gonfler l’histoire, mais pour moi le texte était équilibré en l’état. C’est de lui, me semble-t-il, qu’est venue l’idée d’un univers partagé. J’étais partant, bien sûr : la polyphonie s’accordait à merveille au concept de base. Jérôme a contacté Pierre, et moi Laurent. Voilà, c’était parti. Leurs textes ont dépassé mes attentes, ils sont excellents ! Après, le seul boulot pour moi a été de trouver un titre au recueil, ce qui a été quelque peu sportif…
LW : Laurent G. m’a invité à y participer et j’ai trouvé la thématique géniale. Je me suis donc empressé d’y sauter à pieds joints !
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Une des thématiques centrale de ces nouvelles est cette mise en miroir du rôle d’écrivain. Pouvez-vous nous en parler ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous mettre en scène de cette façon et est-ce que vous avez l’impression d’en avoir retiré quelque chose ?
LG : L’exercice devient vraiment intéressant selon moi quand le « je » passe par un miroir déformant. Il y a un petit plaisir masochiste à malmener sa propre image. Mais cela reste au final de l’image, qui plus est dans un contexte de comédie. Ça ne va pas très loin, c’est très potache.
LW : L’expérience est amusante. J’ai commis un roman, il y a plusieurs années, où je mettais en scène un détective loufoque à la première personne alors quand Laurent m’a contacté j’ai vraiment eu envie de replonger dans ce genre d’univers. C’est un réel plaisir de pouvoir donner libre cours à son imagination sans trop tenir compte des barrières du rationnel.
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Laurent G., dans Jennifer a disparu vous vous décrivez comme « d’un naturel introverti », considérant ses « contemporains comme des créatures étranges, vaguement hostiles ». Quelle est la part de réalité dans cette description ?
LG : Un bégaiement tenace m’a tenu quasi muet toute mon adolescence. L’introversion, chez moi, a été forcée plutôt que naturelle. Pas évident de se socialiser avec ce genre de handicap. Cela m’a passé vers dix-huit ans, et depuis, je m’efforce de rattraper le temps perdu. En somme, je suis une vraie pipelette, du moins dès que l’on parle de SF. Par ailleurs, j’étais à la même époque affligé d’une allergie sévère, quoique jamais bien identifiée… peut-être une allergie à mes contemporains, si ça se trouve.
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De même, Laurent W., quelle part de vous y a-t-il dans vos personnages ?
LW : Pour moi ce sera un zeste d’humour désabusé, deux doigts de cynisme, un soupçon de rébellion, au shaker, pas à la cuillère.
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Un auteur de sf est un « spectateur intellectuel ». Je cite à nouveau Laurent G. mais je m’adresse aux 2 : vous appuyez-vous beaucoup sur le réel pour vos écrits ?
LG : Personnellement, j’ai évité jusqu’à Jennifer. La disjonction entre le monde du space opera et le monde contemporain permet d’ailleurs d’éviter ce mélange des genres. Dans Jennifer, en revanche, j’ai introduit beaucoup d’éléments réels, mais volontairement altérés : pas question pour ma fiction d’être soumise à la réalité.
LW : Pour le thriller, oui, c’est indispensable si je veux que le lecteur puisse s’immerger dans l’histoire. J’ai fait le choix de partir de fait historiques, donc il m’est indispensable d’adosser le récit à des faits, des lieux, parfois des personnages réels. En ce qui concerne la SF, c’est pareil puisque je puise dans le présent pour créer un avenir.
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Laurent W., les récits de vos collègues étaient plutôt « bon enfant », les hommes et les aliens ayant globalement trouvé une entente pour vivre ensemble. Au contraire, le vôtre est plus noir et plus amer, pourquoi avoir fait ce choix ?
LW : Je ne pensais pas qu’il soit « amer ». Désabusé et cynique sans doute (voir plus haut) mais pas si amer que ça. Mon personnage se trimbale de galère en rebondissement sans jamais reprendre son souffle, mais toujours avec la philosophie qui lui est propre. Une sorte de nonchalance désabusée à la Bogart. Je ne pense pas que ce soit de l’amertume car, à mon sens, pour en ressentir, il faut avoir été déçu et ce n’est pas le cas de mon personnage. Il ne ressasse pas le passé, il se dépatouille !
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Trouvez-vous que la nouvelle soit un exercice plus difficile que le roman ?
LG : Pour ma part, c’est le cas. Le roman est un arbre aux branches duquel on peut se raccrocher par de multiples manières. La nouvelle est plutôt un bonzaï, où tout doit être parfait, jusqu’à la moindre brindille. Cela dit, Jennifer s’apparente davantage à un mini-roman, écrit au fil de la plume avant tout pour me faire plaisir.
LW : Je ne me considère pas comme un auteur de nouvelles car je construis les miennes comme des romans en miniature. Une introduction, un développement et un final. J’ai conscience, en lisant celles des nouvellistes confirmé(e)s, ce n’est pas un terrain aisé pour moi.
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Voulez-vous nous parler de vos prochaines actualités, à chacun ?
LG : La suite de Spire, ma trilogie de space opera, sortira en octobre. Je travaille à un projet de longue date, une anticipation post-cyber à laquelle je réfléchis depuis une douzaine d’années. Plus de la bédé, des articles, et deux ou trois autres petites choses !
LW : Mon dernier thriller des Rats de poussière, le Réseau Mermoz, est sorti en juin chez Critic, je commence actuellement l’écriture du suivant pour parution 2018. J’ai terminé l’écriture du troisième volet de la saga du Clan Costa (Les étoiles s’en balancent et Les damnés de l’asphalte) qui devrait lui aussi sortir l’année prochaine. A part ça, il y a un projet de BD sur un de mes romans, mais chut !
Merci à tous les 2 !