Résumé : Thya est la fille de Gnaeus Sertor, général romain et héros de l’Empire. Mais Thya est aussi une Oracle, peut-être la dernière élue capable de démêler les fils de l’avenir. Elle est donc contrainte de se cacher en Gaule, au fin fond de la forêt d’Aquitania car, à Rome, comme partout ailleurs dans l’Empire, les chrétiens règnent en maîtres et font impitoyablement la chasse aux adorateurs des dieux anciens. Mais lorsque son père est laissé pour mort par des Pictes, Thya n’a plus d’autre solution que de fuir vers le nord pour suivre une étrange vision dans laquelle son père est toujours en vie.
Avis : Les livres jeunesses et moi, on n’est pas toujours très copains, et si j’étais très curieuse de découvrir Estelle Faye, c’était avant tout pour son roman Un éclat de givre. Mais voilà, c’est Thya qui m’est tombé dans les mains en premier. Sa sortie chez Folio SF, collection dont j’apprécie particulièrement les choix éditoriaux et qui me déçoit rarement m’a convaincue de tenter l’aventure… et je ne le regrette pas !
Estelle Faye nous dépayse en choisissant comme cadre à son roman la Gaule, conquise à Rome. Mais en ce début du Ve siècle, c’est une Rome en déliquescence, qui se repose sur ses acquis et sa gloire passée. Les barbares frappent à ses portes, et plus aucune route n’est sûre. Parallèlement, le christianisme étend son influence et les adorateurs des anciens Dieux sont sévèrement pourchassés et tués. C’est donc en pleine fantasy historique que l’auteure nous plonge. C’est une époque que je connais très peu, je ne saurais donc en juger la justesse de la présentation, mais cela m’a paru très crédible. Les descriptions et le vocabulaire employés aident à nous transporter dans ces temps anciens.
Suite à l’attaque ayant laissé son père – son protecteur – à demi-mort, Thya, jeune romaine dotée du don de vision s’enfuit sur les routes, vers Brog, forteresse où les chemins du Destin se rejoignent. Sa quête sera parsemée d’embûches et de rencontres, elle se fera des alliés et des ennemis. Ce road trip a tout du voyage initiatique ; il permettra à Thya de sortir de son carcan figé et isolé, la confrontera au monde et aux autres et surtout, à elle-même.
L’auteure offre des personnages travaillés, à la personnalité qui se révèle plus complexe au fil des pages. Sa vie solitaire et son don ont déjà fait de Thya quelqu’un de mature, avec un côté « vieux sage » mais qui conserve pourtant une sorte de naïveté, de pureté même. Enoch, quant à lui, cache sa sensibilité derrière une attitude bravache, renie ses blessures en voulant s’élever au-dessus de son peuple. Pour lui aussi, ce périple sera l’occasion de se découvrir et de s’accepter. Les autres personnages se révèlent également intéressants car Estelle Faye a réussi à ne pas les figer dans un rôle.
L’aspect mythologique entourant ce monde est une des choses qui m’a le plus plu. Encore légèrement en retrait par rapport à l’intrigue, des bases solides le composent. L’incursion des déités et de créatures magiques profondément liées à la terre et à la nature, les pouvoirs anciens et une certaine dose de mystère entourant les enjeux le rendent très intriguant.
Bien sûr, le positionnement jeunesse se fait sentir, mais pas autant que j’aurais pu le craindre. D’une pirouette, l’auteure arrive toujours à l’éluder, offrant comme un contrepoids en compensation. Si certaines révélations sont un peu trop attendues, elles jouent aussi parfois un vrai rôle dans l’évolution des personnages ; celle concernant le père de Thya notamment, est vécue comme un rite lui permettant de passer définitivement à l’âge adulte. La relation un peu trop prévisible entre Enoch et Thya est compensée par la richesse des personnages.
L’écriture de l’auteure est outre fluide et entraînante, et Thya se lirait presque d’une seule traite ! C’est avec plaisir que je continuerai la série avec le 2e tome, Enoch.
Roman publié aux éditions Gallimard (Folio SF)