Interview de Mathieu Rivero

Interview de Mathieu Rivero

Photo de Mathieu RiveroJ’ai eu le plaisir de rencontrer Mathieu Rivero lors d’une animation à laquelle il participait avec d’autres auteurs des Indés de l’Imaginaire. Si je ne connaissais pas jusque-là ses écrits, il a su ce jour-là me donner envie très envie de les découvrir. J’ai commencé par Or et Nuit, son premier roman, tout en gardant un œil sur sa sortie en préparation, Chimère captive. Lecture faite, je suis heureuse de l’accueillir ici afin qu’il nous parle un peu plus de ses romans.

  • Les arpenteurs de rêve, voilà une idée originale ! Peux-tu nous en parler ? Comment t’est-elle venue ? Une envie personnelle d’aller titiller l’imaginaire de ton entourage ?

Hum. L’histoire des arpenteurs de rêve vient d’une nouvelle ou d’un début de roman – je ne sais plus vraiment ce que je voulais pour l’histoire – avec des étudiants qui pouvaient se téléporter de rêve en rêve. Ça semble assez similaire à ce qu’est Chimère Captive, mais en fait, ça ressemblait à un mélange improbable de vaudeville et d’Inception. Comme c’était vraiment naze, j’ai laissé le projet de côté. Mais l’idée me revenait à l’esprit : il y avait matière à creuser. Après Or et Nuit, l’éditeur des Moutons Électriques, André-François Ruaud, m’a demandé une série de fantasy urbaine contemporaine. Et du coup… L’idée est revenue.
J’ai fait tourner le blender qui me sert de cerveau et suis parvenu à ça. C’est différent pour plusieurs raisons :
– le monde est plus profond, et mystérieux.
– les personnages sont cool !
– l’intention n’est pas brouillonne.
Après, aller voir les rêves des autres… Non merci ! J’aime bien quand on m’en raconte volontairement, mais vraiment, j’ai assez à faire avec les miens. J’ai un imaginaire un peu débordant et débile. (Autant dire que ça me fait bien marrer quand je me souviens de mes songes, c’est-à-dire un jour sur deux…)

  • Ton héroïne, Céleste, s’incarne sous la forme d’un labrador dans le monde des rêves. Pourquoi avoir fait ce choix ?

couverture de Chimère captive de Mathieu RiveroHum. En fait, c’est parti d’une conversation avec Sabir (un personnage qu’on rencontre tard dans Chimère captive). Il disait que Céleste voulait rester à Port-au-Riche, rester dans le passé, comme un chien trop attaché à son maître qui ne veut pas le quitter pour aller jouer. L’idée de cette conversation est restée, mais j’ai supprimé la scène. Ça marchait mieux sans.
Je supprime souvent avant d’écrire : je fais la liste de ce que je veux pour la scène, réfléchis à comment cela s’agence dans l’intrigue. Si jamais je peux me passer d’une scène parce qu’elle n’est pas cruciale, même si elle me semble cool, je n’ai pas de vergogne à la supprimer, et décaler les éléments importants ailleurs. L’histoire est un matériau élastique, un peu comme de la glaise que l’on sculpterait : si quelque chose ne colle pas assez à la structure principale, ça tombe !
Après, je voulais que le Grand Songe et ses habitants aient certaines fixations sur le langage.

  • Les pouvoirs de la famille de Céleste restent singulièrement dans le flou, est-ce parce que c’est quelque chose que tu souhaites développer dans les autres tomes ?

Ceux de sa sœur Neela, oui. Je n’ai pas tellement envie de m’attarder sur les parents. Comme ce sont des personnages forts, ils tireraient la couverture de leur côté et l’histoire ne serait pas celle que je veux.

  • Alors que Céleste n’avait jusque-là développé aucuns pouvoir, elle cohabite directement avec deux garçons qui vont avoir les mêmes qu’elle. Un peu pratique et facile, non ?

Peut-être… Peut-être y a-t-il une raison. Je vais esquiver et passer à la réponse suivante. Vous n’avez rien vu. Parce que je suis un ninja en pyjama noir. (Lire les volumes suivants pourrait – ou pas – répondre à cette question.)

  • D’ailleurs, si on sait que la force, pardon, la magie, est puissante dans la famille de Céleste, on ne sait rien du pouvoir des garçons : comment l’ont-ils acquis ?

Comme les tomes 2 et 3 vont se focaliser un peu plus sur eux, je ne vais pas vraiment répondre à cette question non plus. Désolé !

  • La fin de Chimère captive semble se diriger vers une situation tout à fait inattendue et pas très rassurante, peux-tu nous donner quelques indices sur ce qui attend les personnages dans la suite ?

Spoiler alert : il va se passer des trucs. 😉
Je voulais qu’on ait trois intrigues « pleines » pour chaque roman, mais que lire les trois soit plus satisfaisant, grâce à un fil rouge et des éclairages sur certains événements ou aspects du monde.
En ce qui concerne l’intrigue… Je vais essayer de ne pas spoiler quoi que ce soit pour ceux qui n’auraient pas lu. Au lieu de Céleste, on suivra plus majoritairement Mano et Keo. Comme dans le premier, on fera des écarts ! Du coup, Keo essaiera de s’acclimater à son nouveau chez-lui, et Mano, lui, devra faire face à ses responsabilités dans… l’incident.

  • Et d’ailleurs cette suite, pour quand est-elle prévue et peux-tu nous en dévoiler le titre ?

On ne perd pas son temps ! La suite s’appelle Songe Suspendu. Comme pour Chimère captive, ça vient d’un poème un peu urbain. Celui-ci s’appelle Harlem dans sa langue d’origine, et commence par « Qu’advient-il d’un songe suspendu ? »
La date de sortie… Ben, si tout va bien, au printemps 2017 !

  • Revenons un peu sur ton premier roman, Or et nuit. Premier roman, mais pas le premier publié*, comment cela se fait-il ?

couverture de Or et nuit de Mathieu RiveroAh, l’édition et ses aléas ! Tout a commencé avec le speed-dating des Imaginales (une rencontre auteurs novices-éditeurs vraiment super, dans le cadre d’un festival au moins aussi super). J’avais Or et Nuit, en cours de correction, sous le coude. Je l’ai présenté aux éditeurs que cela pouvait intéresser, et avais encore le droit à voir un éditeur. Voyant que le seul éditeur avec qui je pouvais discuter était un éditeur de science-fiction, Rivière Blanche, et qu’il n’y avait pas foule au portillon, je me suis tourné vers lui pour lui parler de mon projet en cours. Tout au culot ! L’idée de combiner musique, polar et cyberpunk l’a tout de suite tenté. Il m’a pris le début du manuscrit, a confirmé que ça l’intéressait beaucoup quelques mois plus tard, et avec son accord, j’ai décidé de chercher un éditeur numérique. J’ai trouvé le studio Walrus après quelques semaines et la publication s’est faite en quelques mois.
Entre-temps, j’avais fini les corrections d’Or et Nuit, l’avais soumis aux Moutons Électriques, et nous avons travaillé pour le sortir l’année suivante…
Petite précision : j’ai le cul bordé de nouilles quant à mon parcours éditorial. J’ai fait très peu d’efforts pour chercher des éditeurs, comparé à d’autres auteurs au moins aussi talentueux...

  • Pourquoi Shéhérazade ? Qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire une suite à ses aventures ?

Hum… Shéhérazade est en fait un ajout lors d’une des maintes réécritures.
Or et Nuit est un premier roman, et pour qu’il soit bien, il a fallu qu’il passe par beaucoup, beaucoup de mauvaises phases. Et à un moment, l’histoire ne fonctionnait pas, manquait de liant. En cherchant la solution au problème, ça m’a frappé. Et l’ajout de la reine conteuse a occasionné beaucoup de travail !

  • Dans Or et Nuit, elle est à la fois conteuse et actrice, une envie de la faire sortir de sa position ?

Oui ! Shéhérazade est déjà très active dans le récit originel, mais sa présence est discrète, et surtout soumise aux besoins des conteurs qui récitaient son histoire ! Du coup, je voulais la mettre en scène aussi parce que c’est un personnage fort, ambitieux, qui a oublié ce que la douceur signifie.

  • Jusqu’à quel point t’es-tu appuyé sur le récit original ?

Je pourrais dire que je me suis contenté de glisser quelques clins d’oeil, d’utiliser le récit cadre et basta. Mais en fait c’est une influence profonde, et on retrouve certains thèmes, le côté très libre des personnages, le flou du conte. Je voulais cependant que la touche « orientale » soit aussi faible que possible. Je n’étais pas là pour forcer le trait et montrer tout ce qui pourrait dénoter de la fantasy habituelle : c’est un effet secondaire du cadre, pas une raison d’être.

  • La fin du roman invite à la découverte du roi des djinns, Ravana, et de sa fabuleuse cité. Comptes-tu écrire cette histoire un jour ?

Eh… J’ai dit plus haut qu’Or et Nuit avait eu plein de versions et d’itérations. Ça a été un recueil de nouvelles, une novella (court roman, disons 1/4 du roman d’aujourd’hui), et j’avais envisagé un diptyque avec un livre sur la sortie de la caverne de Shéhérazade avec l’histoire d’Azi, et un autre pour la quête de Tariq (et la développer plus profondément). J’ai également dans un tiroir une nouvelle avec « le vol de quelque chose de précieux chez Ravana », si tu vois ce que je veux dire ! Mais si elle est dans un tiroir, c’est parce qu’elle ne me convient pas.
Au final, si je dois revenir à Or et Nuit, ce serait pour une autre histoire que celle de Shéhérazade, d’Azi et d’Abû. Je parlerais de la construction de la Muraille de Salomon, de la séparation du monde des djinns et de celui des hommes, trois cent ans avant Or et Nuit… Cela dit, je ne sais pas si c’est pour tout de suite !

  • Dans la vie de tous les jours, tu es enseignant. Difficile de cumuler les 2 casquettes ?

Haha, et j’ai parfois des traductions (souvent techniques) à rendre, et je suis aussi un des deux rédacteurs en chef de www.ludovox.fr. Cumuler différentes activités n’est pas tellement difficile si l’on s’organise bien, et que l’on emploie le moindre moment creux à penser à ce qu’il faudra faire. Au final, ce n’est pas le travail lui-même qui est le plus épuisant, mais plutôt de devoir sauter d’une activité à l’autre, rappeler à soi les besoins de telle ou telle activité. J’utilise beaucoup de listes et de carnets de notes !

  • Et tes étudiants ? Ils connaissent ton autre activité ? Qu’en pensent-ils ?

J’essaie tant que possible de rester un enseignant « normal » et à vrai dire, je trouve tout à fait sain qu’un enseignant ne se cantonne pas aux salles de classes : ainsi, on peut continuer à apprendre et se former tout en diffusant les connaissances que l’on a stockées. Bon, il est arrivé que je croise des étudiants en librairie, et une fois, un étudiant est venu me voir pour me dire qu’il m’avait vu sur Internet…

Merci Mathieu !

* Le 1er roman publié de Mathieu s'intitule La voix brisée de Madharva.

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