Fabrice Colin, est un auteur aux multiples facettes. Après avoir été fascinée par Comme des fantômes, Bal de givre à New York et son premier thriller, Blue Jay Way, j’étais curieuse d’en savoir plus sur l’homme et sa vision du métier. Et c’est très gentiment qu’il a accepté de se prêter au jeu des questions. Nous le remercions encore une fois très sincèrement.
Le premier livre que j’ai lu de vous, Comme des fantômes : Histoires sauvées du feu, m’a beaucoup interpellée. Pourquoi avoir choisi de vous mettre en scène de cette manière ?
L’idée d’un recueil de nouvelles qui n’aurait été que cela – une compilation de textes déjà publiés – provoquait chez moi d’incoercibles bâillements. J’avais besoin d’une mise en abyme, d’une histoire englobant les autres ; il se trouve que l’éditeur, André-François Ruaud, s’est révélé assez génialement inconscient pour me suivre. Imaginer sa propre mort est, à mon avis, un luxe que chacun devrait s’octroyer de façon régulière.
Vous êtes un auteur prolifique. Qu’est-ce qui vous mène ? Quel est votre moteur dans l’écriture ?
La curiosité, je crois. Un appétit de découvertes absolument enfantin. L’écriture est un plaisir avant tout. En vivre est une grâce.
Vous écrivez aussi bien pour la jeunesse que pour les adultes. Qu’est-ce qui vous décide à écrire plutôt pour l’un que pour l’autre ?
J’ai besoin d’osciller en permanence entre ces deux pôles. La littérature jeunesse, c’est le plaisir de la narration pure : raconter une histoire, laisser affleurer son thème, en être le premier surpris. La littérature adulte, c’est le contraire : je sais ce que je veux dire mais je me donne le plaisir de découvrir comment.
Avec Blue Jay Way et le récent Ta mort sera la mienne, vous venez d’ajouter une nouvelle corde à votre arc littéraire, le thriller. Pourquoi ? Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans cette aventure ?
La découverte des éditions Sonatine, rien d’autre. Ces gens sont devenus des amis et, d’une certaine façon, des modèles. J’adore la plupart de leurs livres et je voulais participer à leur aventure. Depuis deux ans, j’ai l’impression d’être monté à bord d’un somptueux bateau pirate.
Est-ce qu’on écrit de la même manière du fantastique et du roman noir ?
Je suppose mais, à dire vrai, je n’ai pas conscience d’œuvrer dans tel ou tel genre. Les étiquettes sont là pour rassurer les gens qui les confectionnent ; à mes yeux, elles n’ont guère de sens en soi. Où se situent les limites entre tel ou tel genre ? Personne ne peut l’expliquer avec précision, Dieu merci. Un genre soigneusement cloisonné serait condamné à une mort par asphyxie.
Dans les romans que j’ai lus de vous, j’ai remarqué que l’attentat des tours jumelles revenait régulièrement. Est-ce une coïncidence ou est-ce un évènement qui vous a particulièrement marqué ?
Ça ne peut pas être une coïncidence, mais ce n’est pas volontaire non plus. Disons que ça fait partie de ces choses qui remontent immanquablement à la surface et dont personne ne sait que faire. Le 11/9 a ouvert une brèche dans la texture même de la réalité telle qu’on la concevait avant. Passé du plan concret au plan conceptuel, ce drame inouï ressemble à présent à une nécessité.
Vos ouvrages sont publiés dans plusieurs maisons d’éditions différentes. Comment cela se passe-t-il ? Est-ce vous qui choisissez d’aller chez l’une plutôt que chez l’autre ?
Oui, bien sûr, je choisis toujours – sauf pour les rééditions en poche, qui ne sont pas de mon fait. Généralement, j’ai le sentiment qu’un roman donné serait mieux chez tel ou tel éditeur. Je peux me tromper, ça fait partie du jeu mais, la vérité, c’est que j’aime rencontrer de nouvelles personnes, me confronter à de nouvelles façons de travailler.
Confessions d’un automate mangeur d’opium, que vous avez écrit en collaboration avec Mathieu Gaborit, vient d’être réédité chez Bragelonne. Pouvez-vous nous dire comment se passe une réédition ?
La plupart du temps, une réédition est simplement le fruit d’une envie : celle de faire revivre un texte qui n’était plus disponible. L’envie peut émaner d’un éditeur, d’un auteur ou, comme ici, des deux à la fois (des trois, même, puisqu’il s’agit d’un roman à deux mains). Stéphane Marsan étant l’éditeur de ce texte, il était normal qu’il revienne chez lui.
Qu’avez-vous l’impression d’avoir appris depuis votre premier roman ? Votre vision de l’écriture et du monde de l’édition ont-elles changé ?
Les données sont assez simples : il y a quinze ans, je ne savais rien de l’écriture. Aujourd’hui, je pense avoir appris deux ou trois choses. J’espère écrire moins mal, c’est tout. Quant au monde de l’édition, il a changé, naturellement, et pas forcément en bien si on observe le tableau avec le recul nécessaire. Je m’en tiendrai à ce constat prudent.
Avez-vous un livre préféré parmi vos écrits ou un que vous recommanderiez plus particulièrement aux lecteurs qui souhaiteraient vous découvrir ?
Ce n’est pas à moi de recommander tel ou tel roman. En revanche, j’ai beaucoup de tendresse pour Bal de givre à New York car c’est un livre qui a été souvent mal compris, et j’aime assez ça – rien de plus triste qu’un texte qui ne résiste pas un minimum à ses lecteurs. Ta mort sera la mienne pourrait subir un sort semblable ; ça m’intéresse beaucoup plus de savoir pourquoi on déteste mes livres que pourquoi on les aime.
Et bien sûr, pour terminer, la question incontournable : sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Sur la suite de 49 jours, chez Michel Lafon, qui s’appelle Seconde vie.