Voici l’histoire que je dois te raconter, Saule.
C’est l’histoire d’une famille, d’une maison et d’un pays.
Elle commence à la veille d’une guerre planétaire, dans une ferme de hameau qu’on appelle Les Chaumes.
Elle s’achèvera un siècle plus tard, au même endroit.
Entre ces deux époques, tu verras vivre ici quatre générations hantées par des secrets et des fantômes.
Tu verras changer les saisons, les habitudes, les lois et les gouvernements.
Tu verras des hommes tomber amoureux, rêver de grandes choses, partir à la guerre et en revenir sans mot et sans gloire.
Jusqu’à moi.
Jusqu’à toi.
Avis : ALERTE PEPITE ! Anne-Laure Bondoux, grande prêtresse des livres jeunesse, nous livre avec Nous traverserons des orages une saga familiale du tonnerre (excusez moi du jeu de mot) ! 496 pages pour 4 générations de la famille Balaguère. Une véritable fresque historique, de la Première Guerre mondiale à aujourd’hui, traversée par la violence sous toutes ses formes.
Depuis toujours, cette famille est marquée par la violence. Coups, mots blessants, humiliations, alcool, … rien n’épargne les Balaguère. Est-ce génétique ? D’enfant à enfant, tous se promettent d’inverser la tendance…et tous finissent par plonger dedans à un moment de leur vie. D’où vient-elle ? Est-elle inévitable ? Un enfant, une guerre, comme un tempo récurrent, une valse sans fin.
Anne-Laure Bondoux balaie les grands événements du XXe siècle : Première et Seconde Guerre mondiale, guerre d’Algérie, méconnaissance du Sida, … la famille Balaguère est ballotée d’événements en événements depuis la ferme familial pourtant éloignée de tout mais pas moins épargnée par les grands maux du siècle. Là, en pleine campagne, même si plus tardivement, parviennent les progrès sociaux avec l’évolution des droits de la femme et des homosexuel.le.s, les progrès techniques avec la mécanisation et les bouleversements climatiques. Certains tenteront l’aventure parisienne…pour finir par toujours revenir aux Chaumes.
Ce qui donne sa force à ce roman, c’est la petite histoire qui s’insère dans la Grande. Même si on connait les dénouements des faits historiques, on s’accroche à Anzème, Charme, Aloès et les autres qui les entourent, avides de connaître les effets de l’Histoire sur leurs histoires. Comme un cycle, les enfants grandissent, se rebellent, vieillissent et meurent…et le cycle recommence avec un autre personnage masculin (avec toujours un ou deux personnages féminin dans l’ombre, du moins, à ce que ‘on croit) qui poursuit le cycle de la vie familiale. L’Histoire est en marche, celle des Balaguère aussi même si chaque génération essaye d’aller à contre-courant de la précédente, pour se défaire de cette violence génétiquement ultra présente comme un fléau, une malédiction sur les Chaumes. Emancipation, libertés, amour, … Anne-Laure Bondoux traite de tous les sujets, de toutes les émotions.
Et même après cent ans de malheurs, même si j’ai commis l’irréparable moi aussi, je ne désespère pas que nous apprenions enfin à prendre la parole plutôt que les armes.
Cette histoire, c’est celle d’un père qui la raconte à son fils, pour la transmettre, pour la faire évoluer, comprenant enfin que seuls les paroles peuvent, parfois, éviter les drames. C’est celle d’une famille aux prénoms floraux qui navigue dans le XXe siècle au gré et malgré les conflits. C’est la plume sublime d’Anne-Laure Bondoux.
Roman publié aux éditions Gallimard.