Connemara / Nicolas Mathieu

Connemara / Nicolas Mathieu

couverture du roman Connemara de Nicolas Mathieu

Hélène a bientôt quarante ans. Elle est née dans une petite ville de l’Est de la France. Elle a fait de belles études, une carrière, deux filles et vit dans une maison d’architecte sur les hauteurs de Nancy. Elle a réalisé le programme des magazines et le rêve de son adolescence : se tirer, changer de milieu, réussir. Et pourtant le sentiment de gâchis est là, les années ont passé, tout a déçu. Christophe, lui, vient de dépasser la quarantaine. Il n’a jamais quitté ce bled où ils ont grandi avec Hélène. Il n’est plus si beau. Il a fait sa vie à petits pas, privilégiant les copains, la teuf, remettant au lendemain les grands efforts, les grandes décisions, l’âge des choix. Aujourd’hui, il vend de la bouffe pour chien, rêve de rejouer au hockey comme à seize ans, vit avec son père et son fils, une petite vie peinarde et indécise. On pourrait croire qu’il a tout raté.
Et pourtant il croit dur comme fer que tout est encore possible.

Avis : « Il était six heures vingt-cinq, il fallait encore s’habiller, déposer les filles à l’école, et mentir. » Voici, en page 11, un assez bon résumé de Connemara. Hélène, transfuge de classe, mariée avec Philippe, un vrai bourgeois, se sent, à l’aube de la quarantaine, comme perdue et trahie par ce qu’elle pensait avoir réussi dans la vie.

Christophe, son ancien crush du collège, est lui aussi au mi-temps de sa vie. Son père, Gérard, perd la boule. Son fils, Gabriel, va peut-être lui être enlevé par Charlie, son ex. Les deux potes d’enfance, Marco et Greg viennent compléter le tableau avec leurs apéros qui n’en finissent pas et leurs soirées adulescentes qui leurs mettent la tête à l’envers. Tandis que du côté d’Hélène, sa stagiaire, Lison, quintessence de la bobo parisienne, lui apprend la vie selon les jeunes d’aujourd’hui ! Quand Tinder et féminisme se frotti-frottent !

Nicolas Mathieu écrit merveilleusement ce début du XXIème siècle. Dans ce roman infusé d’anglicismes, pourri de notions où si « t’as pas la réf », tu ne vaux rien, et où se rencontrent les « fin du mois » et les « fin du monde », on est happé par cette histoire somme toute assez basique, entre une femme et un homme. Avec Nicolas Mathieu, basique ne veut pas dire simple, ni terne… L’auteur donne à lire les petits riens qui font et défont les relations, qui créent ou annihilent les émotions. Et par un jeu savant d’alternance entre nos deux personnages (touchants chacun dans leur style) puis de flash-back dans leurs enfances, leurs adolescences puis la période de jeune adulte et aussi celle de jeune parent ; on découvre leurs fêlures, leurs carapaces, leurs fondements et leurs peurs.

Et ça claque !!! Les scènes de sexe sont loin du soft porno lisse et normé des romans à l’eau de rose (poils, difficultés d’érections…), les émotions d’ados font revivre certaines des nôtres, les violences de classe et les injustices de genre (ou inversement !) pourraient être racontées par votre voisine… Enfin, la future « start up nation » et les affaires de « task force » de la présidence Macron sont superbement annoncées, puisque l’histoire de Connemara se situe juste avant le vote pour la première élection de celui-ci.

Quant à l’utilisation de la chanson de Sardou, comme lien entre passé et présent, cela crée une intense connexion avec le récit chez les quinqua ou quadra !

« Allez les petits gars », il faut lire Connemara maintenant !

Roman publié aux éditions Actes Sud

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