Monster, Intégrale (18 tomes)
1986. Kenzo Tenma est un brillant neurochirurgien pratiquant son art à l’hôpital Eisler de Düsseldorf (Allemagne). Tenma est comblé, il vient de sauver la vie d’un chanteur d’opéra célèbre… Promis à la belle Eva Heineman, la fille du directeur de l’hôpital, son avenir est tout tracé. Tout lui sourit… Jusqu’à la nuit où arrivent deux enfants, Anna et Johann Liebert, dont les parents ont été découverts sauvagement assassinés. En choisissant de sauver le petit garçon plutôt que le maire de la ville, le docteur perdra tout… Amour, gloire et honneur laisseront place à solitude, rupture et alcool… Surtout qu’autour des deux enfants, les morts se multiplient. Tenma n’aurait-il pas sauvé un MONSTRE ? A-t-il fait le bon choix ?
Avis : Après Pluto, j’étais très curieuse de découvrir Monster, une autre série particulièrement plébiscitée de Naoki Urasawa. Mais cette fois, ça a failli ne pas se passer aussi bien car j’ai d’abord eu du mal à rentrer dans l’histoire… avant de finir pas dévorer tous les tomes ! Parfois, l’appréciation d’un manga tient à peu de choses : avoir emprunté les 6 premiers tomes à la bibliothèque. Si je n’avais eu que le 1er ou même les 2 premiers sous la main, j’aurais certainement arrêté là la série. Mais comme j’avais les autres, j’ai décidé de laisser une chance à l’histoire de me convaincre et bien m’en a pris !
En 1986 Kenzo Tenma, Japonais expatrié en Allemagne, est un brillant neurochirurgien, star dans son domaine. Mais il est aussi si gentil et naïf qu’il se laisse un peu trop manipuler par les grands pontes de l’hôpital dans lequel il travaille à Düsseldorf, où ses patients sont choisis en fonction de leur place sociale plutôt que de la gravité de leurs blessures. Jusqu’au jour où un honnête travailleur et mari meurt car Tenma était occupé ailleurs et n’a pu le soigner. Bouleversé, la fois suivante il outrepasse ses consignes et prend la décision d’opérer un gamin qui vient d’arriver après avoir reçu une balle dans la tête. Mais Johann Liebert n’est pas un enfant comme les autres. Avec sa sœur, ils disparaissent mystérieusement de l’hôpital, laissant 3 morts derrière eux. Tenma, accusé des meurtres, part à la poursuite des enfants pour tenter de comprendre… et de réparer son erreur ?
Ce qui est étonnant avec Monster c’est qu’on parle d’un gamin qui tue à tour de bras, mais surtout qui a une telle connaissance de l’âme humaine qu’il parvient à manipuler avec brio enfants comme adultes pour les amener aux actes les plus extrêmes, sans qu’on ne verse jamais dans le fantastique. Et pourtant plus d’une fois la ligne paraîtra fine tant ses dons sont extraordinaires. Mais Urasawa ancre résolument sa série dans le réel, avec des personnages profondément humains et des décors réalistes. Et même les « monstres » y révèlent leurs tares humaines : l’avidité, la course au pouvoir ou à la connaissance, la colère, la folie, la solitude…
Après le début un peu lent, j’ai rapidement enchaîné les tomes. Il faut dire que la série est passionnante, et qu’elle comporte assez peu de longueurs. Avec Tenma on plonge dans ce monde interlope, celui des exclus de la société, et la recherche de Monster est émaillée de suspense, de rebondissements, de secrets dévoilés. Qui est Johann, d’où vient-il, comment a-t-il acquis de telles compétences à son âge ? Dans les derniers tomes les révélations sur l’enfance des jumeaux tiennent particulièrement en haleine. C’est un vrai feuilleton, bien plus que Pluto (mais il y a aussi le double de tomes). On parcourt l’Europe de l’Est auprès des protagonistes, les rencontres sont nombreuses et les histoires humaines se multiplient, se croisent et se décroisent.
Mais Monster est aussi un thriller qui interroge. La traque de Tenma s’accompagne d’un fort besoin de rédemption, et Urasawa aborde les thèmes de la quête d’identité, la frontière parfois trouble entre le bien et le mal, les dérives scientifiques, mais surtout ce sont les enfants, leur innocence, leur fragilité, leur résilience et notre devoir de protection qui sont au cœur du manga.
Mangas parus aux éditions Kana – Traduit du japonais par Thibaud Desbief
Prix du manga Shōgakukan 2001