Résumé : François Villon, premier poète des temps modernes et brigand notoire, croupit dans les geôles de Louis XI en attendant son exécution. Quand il reçoit la visite d’un émissaire du roi, il est loin d’en espérer plus qu’un dernier repas. Rebelle, méfiant, il passe pourtant un marché avec l’évêque de Paris et accepte une mission secrète qui consiste d’abord à convaincre un libraire et imprimeur de Mayence de venir s’installer à Paris pour mieux combattre la censure et faciliter la circulation des idées progressistes réprouvées par Rome. Un premier pas sur un chemin escarpé qui mènera notre poète, flanqué de son fidèle acolyte coquillard maître Colin, jusqu’aux entrailles les plus fantasmatiques de la Jérusalem d’en bas, dans un vaste jeu d’alliances, de complots et de contre-complots qui met en marche les forces de l’esprit contre la toute-puissance des dogmes et des armes, pour faire triompher l’humanisme et la liberté.
Avis : J’ai craqué sur La confrérie des chasseurs de livres pour son format unique et sa belle couverture. Je me suis ensuite passionnée pour cette histoire de mystères et de compères.
Quoi que l’intrigue soit un peu lente à se mettre en place et malgré l’alternance des lieux et des personnages qui rend la lecture ardue et qui met souvent une halte au suspense, je me suis laissée séduire par cette histoire d’espionnage au temps du moyen âge. Les indices et contre indices sont distillés avec finesse et toujours bien gérés par rapport à ce que l’on sait, alors que les personnages sont laissés eux, dans l’ignorance.
Le poète François Villon, est un fieffé coquin de prime abord mais il saura rester proche de son cœur et de ses convictions. Son compère, Maître Colin de Cayeux, le complète parfaitement car il est aussi fort physiquement que Villon l’est en parole. Mais il n’aura pas, lui, de révélation mystique en terre sainte. Ces deux hommes sont des coquillards, les bad boys de l’époque.
J’ai aimé les personnages secondaires car ils renforcent le côté espionnage et le côté humain de notre héros, parfois bien malgré lui. L’éditeur, Johann Fust, reconnait en Villon un grand amateur, que dis-je, presque un amoureux, de livres. Le rabbin Gameliel est aussi très important dans la mise en scène et la réussite de cette confrérie. Il est (quasi) au centre des jeux d’alliances, complexes mais très distrayants. Quant à Eviatar, l’aide de camp dans le désert, il est un soutien incontestable du poète, autant par sa force que par ses connaissances livresques. Tous ces protagonistes apportent véracité historique et mettent en relief le caractère de Villon.
Mais il en est un que j’aurai aimé plus présent, c’est Aicha. Elle manque un peu de profondeur, même si elle joue son rôle d’espionne, d’égérie puis de femme avec une justesse et des doutes qui l’honorent. Elle offre en creux, la place de l’amour et du lien humain que tous les peuples devraient se porter.
Je laisse à part Federico Castaldi car je ne veux rien spoiler. Je dirai juste, qu’à l’image de Villon, il est un fieffé coquin, mais pour d’autres raisons et de façon très différente. Il est la partie florentine de cette confrérie et la partie stratégique à plus d’un sens. Ce personnage m’a beaucoup plu de par son attirail de dandy/James Bond avant l’heure et encore plus par sa capacité à décontenancer Villon. Il est son pendant sans être son opposé. Les descriptions de ce personnage sont divines.
Le parcours de vie de Villon est très beau. C’est une grande fresque qui m’a fait partir en voyage dans le temps, mais aussi dans l’espace. De Paris, en tant que voleur/Coquillard, il traverse la France et il prend le bateau. Après la mer, le désert où il se défait de certaines de ses certitudes ou les embrasse à nouveau. Je pouvais sentir le vent du désert sortant de cette œuvre et me plonger dans le regard d’Aïcha. Je pouvais sentir les odeurs dérangeantes d’une taverne ou le renfermé des salles des moines.
La confrérie des chasseurs de livres parle religion bien sûr, mais Raphaël Jerusalmy exprime plus une réciprocité dans les différents cultes, et même une base commune entre eux, plutôt qu’une différence. C’est aussi cela qui est beau dans ce livre : de tous bords, ces hommes et femmes se battent pour une pluralité et un droit d’exister qui va bien au-delà de petites mesquineries religieuses.
Cette confrérie repose sur plusieurs alliances incongrues que sont les florentins, les juifs, le clergé français, Rome, le roi de France, les Coquillards et certains imprimeurs. La plupart des participants ne savent pas toujours qui fait partie du mouvement. D’où les mystères et les complots ourdis par tous les protagonistes. L’idée de la confrérie des chasseurs de livres est de diffuser d’autres visions, d’autres pensées que celles communément admises à cette époque. Tout ceci instaure un climat de suspense et nous maintient dans l’expectative. On ne sait plus bien qui est avec qui et surtout pourquoi certains cherchent à protéger ou à diffuser des livres. Mais cela fait partie de la beauté du roman. J’ai été emmenée sur des terrains minés, mais tellement beaux. Et pour Villon, il s’agissait d’une cause sacrée : les livres et les idées de leurs auteurs.
L’humanisme de Villon est révélé par son attachement à Aïcha, mais également par son retournement/détournement de situation de la fin. Il fait ce qu’on espérait de lui mais dont lui ne se pensait pas forcément capable et surtout s’il avait su, il ne l’aurait peut-être pas fait. Tel est pris qui croyait prendre… ou pas…
Ah l’amour des livres…
Roman publié aux éditions Actes sud
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