Les âges sombres / Karen Maitland

Les âges sombres / Karen Maitland

Quatrième de couverture : 1321. Les habitants d’Ulewic, une petite cité isolée de l’est de l’Angleterre, sont sous le joug de leur seigneur et de l’Église, celle-ci ayant supplanté, depuis quelques années, le paganisme qui régnait dans la région. Non loin du village s’est installée une petite communauté chrétienne de femmes, des béguines originaires de Belgique. Sous l’autorité de sœur Martha, elles ont jusqu’alors été assez bien tolérées.
Mais les choses commencent à changer. Le pays connaît en effet des saisons de plus en plus rigoureuses, les récoltes sont gâchées, les troupeaux dévastés et le besoin d’un bouc émissaire se fait sentir. Neuf hommes du village, dont on ignore l’identité, vont profiter de la tension qui commence à monter pour restaurer un ordre ancien et obscur. Renouant avec de terribles rites païens, usant de la terreur, du meurtre et de la superstition, ils vont s’en prendre aux béguines, qui devront les démasquer et élucider les secrets du village avant que la région ne soit mise à feu et à sang.

Avis : J’avais été attirée, lors de ma lecture du premier roman de Karen Maitland par son univers noir, médiéval et légèrement teinté de fantastique. Nous retrouvons ici les mêmes qualités. L’auteur nous plonge à nouveau dans l’Angleterre de la fin du moyen âge, et nous fait cette fois découvrir les dessous d’un béguinage.

Les temps sont durs à Ulewic. Les paysans sont pauvres et, entre les taxes dues à leur suzerain et celles de l’église, il leur reste tout juste de quoi subsister. La communauté de béguines qui vient de s’installer aux abords du village est dans un premier temps bien accueilli. Elles soignent les malades et partagent leurs ressources avec les plus démunis. Mais la région connait soudain une avalanche de catastrophes. Inondations et épidémies se succèdent et, comme bien souvent dans les situations difficiles, ce sont les étrangères qu’on accuse de tous les maux. Les Maitres Huants, restaurateurs d’un culte païen, profitent alors du désarroi et de la peur des villageois pour asseoir leur pouvoir et mettre au pas les rebelles.

Le rendu historique de ces temps anciens est saisissant. Les conditions de vies et les croyances de l’époque sont retracées et analysées. Ce dernier aspect est vraiment très présent dans le livre. Fortement imprégnée de mysticisme, la superstition religieuse était profondément ancrée chez les habitants. Le pouvoir et la connaissance étaient détenus par une minorité qui n’hésitait pas à s’en servir pour opprimer et commander autrui. L’homme avait un pouvoir absolu sur la femme, et celles-ci payaient très cher l’accession aux mêmes prérogatives, particulièrement dans le milieu religieux.

Dans ces conditions difficiles, Karen Maitland nous offre une jolie étude sur les personnages et les sentiments : la jalousie, la peur, l’ambition, la colère, l’orgueil, la haine… Les temps de crise ne font qu’exacerber les travers humains. Pourtant certains trouvent encore assez de force en eux pour faire preuve de courage, d’abnégation et de droiture. Rester fidèle à ses convictions n’est pas toujours aussi simple qu’il y parait et ce sont parfois les enfants qui nous rappellent à nos devoirs. Les personnages sont ainsi très travaillés. Ils ont une psychologie approfondie et propre à chacun. C’est une des grandes réussites du livre.

Ce n’est pas une intrigue classique que nous présente-là l’auteur. Les protagonistes ne cherchent pas réellement à découvrir qui se cachent derrière les Maitres Huants, mais se posent une question bien plus intemporelle : savoir qui détient le pouvoir.

Roman publié aux éditions Sonatine – Traduit par Pierre Demarty 

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