Fatale / Ed Brubaker, Sean Phillips

De nos jours, USA. Lors des obsèques de son parrain, Nicolas Lash rencontre une mystérieuse jeune femme. Intrigué et subjugué par sa beauté, il se laisse séduire. Bientôt, il découvre qu’elle est en réalité un démon immortel, prisonnière du temps. Et que bien des hommes sont déjà tombés dans ses filets…

Intégrale 1

Pour cette superbe intégrale le duo Ed Brubaker et Sean Philips s’est penché sur le personnage de la femme fatale. Vous savez cette femme, belle, vénéneuse, qui fait perdre tout bon sens aux hommes et les conduit à leur perte ? Cette femme, c’est Joséphine, et aujourd’hui c’est elle l’héroïne !

Introduit par une préface de Megan Abbott, les auteurs nous content ici son histoire, à laquelle ils ont ajouté une dimension fantastique. Car si les hommes sont piégés, la belle l’est aussi. Et si elle les capture dans ses filets, c’est moins par jeu que par instinct de survie. Car à ses trousses, rien de moins qu’une bande de fanatiques adorateurs de… Cthulhu ! Alors, malgré l’empathie qu’elle éprouve bien souvent pour ses victimes, elle use de ses pouvoirs pour tenter d’échapper à ses poursuivants. Et tant pis pour la casse !

Sous le crayon de Phillips, c’est un personnage ambigu et mystérieux qui se dessine. On la suit à travers les époques et ses rencontres avec les hommes. Toujours belle, toujours jeune… Mais qui est-elle vraiment ? D’où vient-elle ?

Fatale mêle 2 ambiances, celle, hard-boiled des polars des années 30, et celle de l’horreur gothique façonnée par l’encre de Lovecraft et Poe. La dernière page tournée, une grande frustration s’est emparée de moi : prise dans ma lecture, j’avais totalement oublié qu’il s’agissait d’une intégrale, oui, mais seulement de la première sur 2 !

Le volume bénéficie de bonus non négligeables avec une magnifique galerie de couvertures où Phillips déploie tout son talent, une bande annonce et 2 courts essais de Jess Nevins sur Lovecraft et Edgar Allan Poe.

Intégrale 2

Quel plaisir de retrouver Joséphine, toujours engluée dans sa vie pas possible où les hommes qui l’approchent semblent condamnés par l’attraction… fatale qu’elle exerce sur eux ! Une Joséphine également toujours poursuivie par la secte des adorateurs de Cthulhu. Mais cette fois, Joséphine a un plan : elle ne sera plus la proie mais la chasseuse.

Dans un savant chassé-croisé entre passé et présent Ed Brubaker nous entraîne à nouveau dans cette ambiance qu’il sait si bien mettre en place, y ajoutant pour Fatale des accents pulp et lovecraftiens. Les superbes dessins de Sean Phillips, tout en ombres et lumières, achèvent de nous emporter. C’est noir, violent, intense.

Fatale dessine un personnage aussi torturé que les hommes qu’elle attrape dans ses filets, une femme qui n’aspire qu’à être libérée de la malédiction qui pèse sur elle. Une malédiction à laquelle elle a déjà bien trop donné. Ainsi les auteurs nous dévoilent un passé d’une tristesse infinie, marqué par les pertes et les tentatives de suicide.

La version intégrale est toujours aussi belle et soignée. Avec la traditionnelle galerie de couvertures, on y retrouve à nouveau 2 courts essais de Jess Nevins : un sur Alesister Crowley, un célèbre occultiste du début du 20e siècle, et l’autre sur l’œuvre Lovecraft, où l’auteur interroge la raison de son succès encore aujourd’hui, alors qu’il n’était pas le meilleur écrivain de son époque. J’ai particulièrement apprécié ce 2e texte, qui était vraiment très intéressant.

Au final, seul l’interlude La piste infernale ne m’a pas totalement convaincue, mais sinon j’ai encore pris grand plaisir à la lecture de cette série par 2 de mes auteurs préférés de comics.

Fatale de Ed Brubaker, Sean Phillips est une bande dessinée publiée aux éditions Delcourt (Contrebande) – Traduit de l’anglais par Anne Capuron et Lucille Calame