Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur « la Fille des marais » de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. Pourtant, Kya n’est pas cette fille sauvage et analphabète que tous imaginent et craignent.
À l’âge de dix ans, abandonnée par sa famille, elle doit apprendre à survivre seule dans le marais, devenu pour elle un refuge naturel et une protection. Sa rencontre avec Tate, un jeune homme doux et cultivé qui lui apprend à lire et à écrire, lui fait découvrir la science et la poésie, transforme la jeune fille à jamais. Mais Tate, appelé par ses études, l’abandonne à son tour.
La solitude devient si pesante que Kya ne se méfie pas assez de celui qui va bientôt croiser son chemin et lui promettre une autre vie.
Lorsque l’irréparable se produit, elle ne peut plus compter que sur elle-même…
Avis : Delia Owens est une conteuse née. Il y a dans ce premier roman, une fraicheur et en même temps, une mesure et une profondeur qui m’ont beaucoup touchée.
Là où chantent les écrevisses se passe dans les années 1950-1960 en Caroline du Nord. Kya n’est qu’une enfant lorsque sa mère fuit son père violent. Ses grands frères et sœurs sont déjà partis. Puis c’est au tour de son frère Jodie, celui qui s’occupait le mieux d’elle. Elle reste donc seule avec son père qu’elle redoute mais auquel elle arrive, un peu, à faire venir le sourire. Mais malheureusement, cela est de courte durée et lui aussi finit par l’abandonner, petite et seule dans les marais.
À Barkley cove, elle sera donc connue comme « La fille des marais » car elle ne sait comment vivre comme ceux qui habitent en ville où tout lui est inconnu et dépourvu de sens. Elle se retrouve sans le sous et sans aide de grande personne. Il n’y a bien que Tate, Jumping et Mabel qui lui viennent en aide. Tate est un copain de son frère, Jodie, de quatre ans son ainé, qui lui enseigne la lecture et comble son envie d’apprendre. Jumping et Mabel sont un couple noir qui vit dans la partie de la ville réservée à leur couleur. Dans un premier temps, ils lui achètent les moules qu’elle parvient à pêcher. Puis ils la protégeront et l’habilleront grâce à des dons de leur église.
Sans ces quelques personnes, elle n’aurait pas survécu à l’isolement dont elle était victime. Mais c’est sa force de caractère et sa soif d’apprendre qui font de Kya une héroïne. Elle va bien évidement devoir se battre contre les préjugés dans cette partie des États-Unis qui en est pleine : les riches ont plus le droit au respect que les pauvres, les noirs sont des sous merde, les filles ne sont bonnes qu’à minauder… mais la violence de cette période est, dans ce roman, encore plus cinglante, car elle est mise en abime par la nature belle et hautement sauvage de ces marais que Kya aime tant. La poésie qu’elle apprend avec les livres que sa mère a laissé et que lui apporte Tate, en est un pendant émouvant.
Kya est forte, elle sait bien vivre dans un endroit où nous, gens civilisés (j’entends par là vivant en ville, ayant de bonnes manières, portant chaussures et ne jurant pas trop) ne survivrions pas quelques jours… Elle ne connait pas les bonnes manières de la ville, mais connait la vie dans le marais. Âpre mais qui a du sens. Belle et dangereuse quand on ne connait pas ses codes, tout comme la ville est dangereuse quand on n’y connait rien des us et coutumes locales.
Ce roman mélangeant habilement parcours initiatique et polar, roman d’amour et biologie m’a plu au-delà de ce que j’en espérais. J’aimerais moi aussi connaitre là où chantent les écrevisses….
Roman publié aux éditions du Seuil – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marc Amfreville avec le concours du CNL