La ménagerie du bout du monde / Carol Birch

La ménagerie du bout du monde / Carol Birch

couverture de La menagerie du bout du monde de Carol BirchRésumé : Dans la crasse et l’odeur de pourriture des Docks de Londres au XIXe rencontre avec un tigre évadé d’un zoo. Le jeune Jaffy Brown est irrésistiblement attiré par ce magnifique animal qui va délicatement le prendre dans sa gueule entre ses crocs sans lui faire aucun mal… Une rencontre qui lui fait entrevoir un monde merveilleux et exotique. Et qui éveille en Jaffy l’envie de l’immensité de l’océan et le désir du voyage. Avec son meilleur ami Tim, il s’engage donc sur un voilier qui doit les conduire aux confins du monde pour aller à la découverte des animaux exotiques et sauvages. Mais c’est surtout à la découverte de lui-même que part Jaffy Brown sans le savoir. D’aventures en tragédies, il découvre sa part d’humanité et l’amitié avec Tim qui survivra même à l’impensable.

Avis : Si un livre a la particularité de ne pas être ce que l’on croit d’après sa couverture, c’est bien La ménagerie du bout du monde !
En effet, sa couverture est désuète au possible. Elle apparait très simple et il n’y a ni tigre ni dragon, tout au plus le bateau en détresse peut-il laisser supposer un peu d’aventure. Heureusement, la quatrième de couverture nous renseigne un peu plus sur le contenu potentiellement dramatique et aventurier de ce roman.

En fait, La ménagerie du bout du monde est magique. Il nous entraîne vers des contrées plus (le Pacifique) ou moins (Londres) lointaines. Tout nous y apparaît très différent de par l’époque qui nous est contée. Et le rêve n’est jamais loin.

Il est magique encore par la capacité qu’a Carol Birch à créer une sorte de contraction temporelle et spatiale. Son rythme est lent pour mieux nous décrire ces lieux (Bermondsey, Ratcliff Highway, des tavernes de marins, le Lysander et la (sur)vie sur ce baleinier, les îles paradisiaques et dépaysantes) si fondamentalement différents de notre époque et de notre pays. Le rythme change profondément au moment de l’action, dans des rebondissements où tout s’accélère pour nous délivrer un récit haletant et profond sur des aventures que peu d’hommes ont vécu.

Il est magique également par la psychologie des personnages. On commence par l’invincibilité de l’enfance avec l’épisode du tigre. On poursuit par les croyances de l’époque qui finalement m’apparaissent bien intemporelles et universelles au vu des évènements mondiaux.
Mais tout ne reste pas global, distant. On touche du doigt l’intimité de personnages radicalement opposés. Skip est tellement original qu’il paraît fou. Tim est le beau gosse de service, mais avec une part sombre qui émerveille et en même temps le rend tellement humain. Les figures paternelles sont nombreuses. Jaf, notre (anti ?) héros, est parfois candide mais reste le gardien d’un savoir-faire qu’il doute lui même d’avoir et cet accès à ses pensées intimes nous apporte énormément en tant que récipient de cette épopée. Tout ceci lui tombe parfois (toujours ?) dessus, ou plutôt le prend dans sa gueule ! Lisez et vous me comprendrez.

Mon seul bémol est la trop grande « ménagerie des personnages ». On s’y perd parfois un peu. Et les femmes pourtant si extraordinaires, héroïques et stoïques, n’ont pas vraiment la place qu’elles méritent ou alors vraiment en clair obscur, par rapport aux hommes.

Enfin la magie des mots!!!! Carol Birch est vraiment une magicienne du style. Chaque mot vient vous conter une histoire belle et précise. Ses descriptions de coucher de soleil qui s’allient aux sentiments de Jaf ou à la sensation d’immensité de la mer permettent de sonder les âmes et la palette de toutes nos couleurs. Nous sommes plongés dans une succession de tableaux où la lumière occupe une position toute particulière et si lyrique.
Certains passages, comme la chasse à la baleine ou la vie des filles de rues, peuvent paraître choquants mais pour moi, ils sont brutalement beaux.
Même le passage cannibale de ce livre est une magnifique ode à la vie, à l’amitié, à l’humanité dans ce qu’elle a de plus passionnant : donner de soit pour les autres.
Le « happy end » n’est que suggéré et d’une façon si attachante qu’on est touché au plus profond de soi.

Bref, La ménagerie du bout du monde est un livre poignant dont il faut dompter les changements de lieu, de rythme, de profondeur pour recevoir son essence en cadeau.

Roman publié aux éditions Terra Nova – Traduit de l’anglais par Carole Delporte

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