Interview d’Isabelle Bauthian

Interview d’Isabelle Bauthian

Isabelle Bauthian est une professionnelle de l’écriture : autrice de romans de fantasy (Les Rétheurs), scénariste de bande-dessinée (Versipelle, Havre…) et de court et long métrages, elle est aussi traductrice. Elle a récemment gagné le prix Elbakin du meilleur roman de fantasy français pour son roman Grish-Mère. Et c’est de son tout dernier titre, Face au dragon, et de la démarche éditoriale innovante qui l’accompagne qu’elle nous fait le plaisir d’évoquer avec nous aujourd’hui.

  • Roman d’aventures, science-fiction… Pouvez-vous nous présenter Face au dragon ?

couverture de Face au dragon de Isabelle BauthianC’est de la… Science fantasy d’aventure introspective ? Mmm… Pas mal.
Face au Dragon est l’histoire de Poly, une jeune fille dotée d’un grand recul sur les choses mais d’un manque d’expérience qui la rend maladroite. Après avoir fait acte de violence pour la première fois de sa vie, elle s’enfuit et se retrouve prisonnière d’une île mystérieuse, en compagnie de personnes prétendant appartenir à d’autres époques. Pour sortir de cette prison, une seule solution : tuer le dragon qui en garde l’accès.

 

 

  • Les personnages de Face au dragon, viennent tous d’une époque différente, du Moyen-Âge à nos jours. Pourquoi ce choix, et qu’avez-vous voulu transmettre à travers ?

L’idée principale était de confronter une héroïne moderne (et mes lecteurs) à la relativité de la morale, selon le contexte et les époques : qu’est-ce qui est universel ? Qu’est-ce qui est ajustable ? Je trouvais aussi intéressant, au passage, de corriger quelques erreurs historiques. Beaucoup de gens ont tendance à se réfugier derrière des « c’était comme ça dans le temps » lorsqu’on questionne les comportements passés. Mais non seulement il y a toujours eu des individus pour porter des valeurs humanistes fondamentales, mais, en plus, les généralités faites sur le Moyen-âge, par exemple, sont souvent fausses.

  • Dans les dangers que doivent affronter les personnages (que ce soient ceux de l’île ou de la vie en communauté) il y a une part d’initiation qui doit les mener à s’accepter eux-mêmes mais aussi apprendre à accepter les autres, je me trompe ?

C’est vrai, même si je me suis essentiellement focalisée sur l’acceptation de soi-même. La raison à cela est simple : je pense que c’est la base. Accepter de prendre du recul, de se regarder sans complaisance est la première étape permettant d’accepter autrui dans sa pluralité, et de porter un jugement nuancé, parfois dur, mais constructif. Ironiquement, les gens qui lancent des « Oh, ben de toute façon je suis comme ça ! » pour éviter de se remettre en question sont souvent ceux qui ont très peur de se connaître.

  • Avec le projet Sillex, Face au dragon fait l’objet d’un système de diffusion très différent de celui proposé par les ME traditionnelles, qu’est-ce qui vous a mené vers ce choix ?

Face au Dragon est un livre à cheval entre la littérature adulte et young adult. Les éditeurs classiques à qui je l’ai envoyé ont pour la plupart été intéressés, mais ils me demandaient de faire des choix narratifs plus ouvertement jeunesse. Je l’ai envisagé, mais je pense que ça aurait fait perdre au livre sa substance. Ce roman, c’est celui qui m’a manqué adolescente (et qui, j’en suis persuadée et les réactions de mes béta-lecteurs me le confirment, a manqué à beaucoup de monde) : une histoire d’aventures enlevée, mais introspective, qui prend son temps et pose plein de questions, en s’appuyant sur une héroïne intelligente, au lieu de faire de du sage le faire-valoir à lunettes aidant un héros pas très malin à récolter tous les honneurs. Projets Sillex ont immédiatement compris ma volonté. Par ailleurs, le modèle éditorial qu’ils proposent, en circuit court, permettra, s’il est couronné de succès, de garantir une rémunération décente aux auteurs (30% du prix du livre au lieu de 2.5 à 15%). Dans un contexte de paupérisation et de déprofessionnalisation croissantes du métier, ça me semblait une initiative importante à soutenir.

  • Comment votre collaboration avec Sillex a-t-elle débuté ? Ce livre fait-il l’objet d’une commande ?

Non, en fait, c’est amusant : à la base, je l’ai écrit en grande partie en impro, durant le NaNoWriMo couverture de anasterry de isabelle bauthian2016, pour encourager un copain qui s’était inscrit. Je pense que c’est pour ça que c’est devenu « le roman que j’avais toujours voulu lire », même si, bien sûr, dépasser cet aspect « défi instinctif » m’a demandé beaucoup de travail, pour dégager des thématiques fortes. Nicolas Marti, le responsable de Projets Sillex, avait apprécié Anasterry, et il m’a présenté son projet aux Utopiales. Je lui ai envoyé le manuscrit « pour voir », il a été séduit, et, après quelques échanges pour clarifier la démarche de chacun, nous nous sommes lancés.

  • Vos lecteurs pourront-ils trouver votre roman en librairie ?

Oui, si la campagne de préachats est un succès. Le nombre de livres disponibles dépendra du montant récolté. Les libraires désireux d’en avoir en rayon sont d’ailleurs invités à contacter Projets Sillex.

  • Et si la campagne n’atteint pas le montant requis ?

Je serai très déçue mais je récupérerai mes droits, ainsi que la correction et tout le travail éditorial fait par Projets Sillex. Pour eux, l’opération sera à perte, moi j’aurai gagné une correction gratuite.

  • Sauf erreur de ma part, il s’agit de votre premier livre destiné à de jeunes adultes. Était-ce un souhait dès le départ de toucher une nouvelle cible, ou est-ce l’histoire qui vous y a mené ?

C’était une volonté de départ, pas tant de toucher une nouvelle cible parce que je pense que ce livre parlera à de nombreuses tranches d’âge, mais d’aborder des problématiques plus franchement liées au passage à l’âge adulte. Je voulais aussi mettre en avant des choses que j’aurais aimé entendre à l’époque, notamment concernant la notion de consentement au sens large, le positionnement par rapport aux stéréotypes de genre, et le rôle des alliés dans les luttes sociétales. Tout ça est en filigrane, bien sûr, ce qui m’intéressait était de proposer de nouveaux modèles, avec naturel, en remodelant certains archétypes du roman d’aventures.

  • Et pensez-vous que votre lectorat habituel va vous suivre ?

J’espère, il n’y a pas de raison ! Suis-moi, lectorat !

  • Songez-vous à revenir à cette histoire pour la conter du point de vue des concepteurs de l’île ?

Je n’ai pas prévu de suite pour l’instant, même si la fin permettrait je pense d’en écrire une sans tirer sur la corde. J’ai quelques idées mais, pour les exploiter, il me faudrait de nouvelles thématiques fortes.

  • Quels sont vos autres projets actuellement ? Et pensez-vous retenter l’aventure avec Sillex ?

Je ne suis pas opposée à retenter l’aventure, même si, forcément, ça dépendra du succès des premières campagnes. La collaboration éditoriale avec Sillex est excellente. Pour l’instant, je termine un scénario de bande dessinée de fantasy plus légère, avec Rebecca Morse au dessin, à paraître chez Bamboo, et j’avance mon premier roman de science fiction, destiné aux adolescents. Ensuite, j’enchaîne sur le tome 3 des Rhéteurs, qui nous emmènera cette fois à Montès.

Chez les Pipelettes, on a lu Face au dragon (on vous en parle bientôt !) et on l’a trouvé très sympa ! Si vous aussi, vous souhaitez découvrir le livre ou tout simplement encourager une démarche éditoriale éthique, nous vous invitons à contribuer à la campagne de financement participatif :

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