Les jolies choses / Virginie Despentes

Les jolies choses / Virginie Despentes

couverture de Les jolies choses de Virginie DespentesRésumé : Pauline et Claudine sont soeurs jumelles et pourtant, tout les sépare. La première, rebelle et fidèle, refuse le compromis. La seconde, fonceuse et paumée, aime séduire et plaire. Mais quand cette dernière se suicide, Pauline prend sa place et bascule dans un monde factice et frelaté.

Avis : Les jolies choses est un livre COUP DE POING, autant sur la forme que sur le fond. D’abord sur la forme avec des phrases entrecoupées, des découpages en plan serré et une couverture qui joue entre les lignes. J’adore !!!!

La dualité que fait apparaitre la couverture est intimement exprimée tout au long du livre. Ainsi, les jumelles Pauline et Claudine sont de vraies jumelles, mais dont beaucoup ne voient pas les ressemblances, tant l’habit fait le moine. Virginie Despentes met en exergue la dualité d’une certaine vision de la femme – « pute » ou insipide – dans la société ; la dualité de la réussite sociale versus la réussite amoureuse, comme si cela était impossible d’avoir les deux ; la dualité ami/amant que les personnages masculins (Sebastien et Nicolas) représentent à leur paroxysme. Même le rôle du patron de maison de disque bestial, abusif et immonde devient une figure paternelle, douce et protectrice ensuite.

Ensuite, sur le fond, les coups de poings, nombreux et certains, de type uppercuts, m’ont mise au tapis.
Premièrement, les violences « ordinaires » : le fait de « mater » quelqu’un, les mains aux fesses ; puis les moins « ordinaires » : comme les maximes « il faut coucher pour arriver » et que « l’on se fait niquer quoi qu’il arrive et dans tous les sens du terme ». Mais n’oublions pas les violences imposées par la société : les femmes sont des « putes/salopes » ou bien elles sont insipides. Claudine et Pauline intériorisent tellement cet adage, qu’elles se le font vivre elles mêmes sans réellement y réfléchir.

Deuxièmement, le mal être suintant des jumelles : l’une se sent tellement mal dans sa peau qu’elle se tue pendant que l’autre, qui ne s’y sentait pas bien non plus, lui pique sa vie. Vie qu’elle pensait honnir mais qu’elle devait envier. C’est le mal être de tout temps : une jeunesse dorée pour l’une, puis pour l’autre, dans les yeux pervers d’un père et le laisser faire d’une mère, l’âge adulte ingrat…

Pour autant que cette histoire paraisse pour moi ABRACADABRANTE, avec quand même un échange de jumelles, des soirées très spéciales, une bassesse des personnages inouïe, j’ai aimé être un peu salie par cette lecture. Car avec ce vocabulaire de la perversion, y compris psychologique, de la soumission, des violences, y compris la tromperie, on ne s’attend pas à être élevé dans son être. Et pourtant, toute vision porno qu’elle soit, la justesse du ton, et des propos des Jolies choses nous renvoie à notre humanité. Et m’a permis de réfléchir à la violence de nos vies, de nos sociétés, de nos leaders et de nos laissés-pour-compte.

Avec de plus, cette boucle bouclée autant par la transformation de la deuxième jumelle que par cette dernière phrase qui est aussi la première du livre, poétique en diable. La descente aux enfers et le fait de toucher le fond n’ont jamais été aussi bien décrit. La rédemption en sera-t-elle encore plus belle ? Car Les jolies choses est aussi plein de suspense et nous laisse imaginer une fin qui n’appartient qu’à nous.

Roman publié aux éditions J’ai lu

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