Gil / Célia Houdart

Gil / Célia Houdart

couverture de Gil de Célia HoudartRésumé : L’été de ses dix-huit ans, un jeune pianiste reconnaît une chanson que diffuse un autoradio. Il se met à chanter. Son chant brille comme une énigme devant lui.
Encouragé par ses professeurs au Conservatoire et guidé par son intuition, Gil quitte un instrument, le piano, pour un autre, la voix, qui se confond avec lui-même.
On suit la formation du jeune ténor, on pénètre avec lui dans les coulisses du monde de l’opéra. Au plus près des corps et des visages.

Avis : Tout d’abord, je dois exprimer ma totale surprise d’avoir autant aimé un livre que je n’ai et n’aurais jamais choisi de moi-même. Cela reste un mystère, mais vous verrez que ce livre en est truffé.
Alors en avant la musique !

Il faut savoir que, avec son écriture rythmée, rapide et courte, Célia Houdart est une « staccatéïste ». Elle arrive souvent, avec quelques mots, à traduire toute une émotion, une sensation et une image entremêlées. Par exemple quand elle dit page 53, « Le chant de Gil était une énigme qui brillait devant eux« , elle mêle l’ouïe, la vue et le toucher en personnalisant cette énigme qui devient vivante devant eux.

Gil est un livre sonore et lumineux. On passe de la musique au chant, avec des palettes vibrantes de couleurs qui pourraient appartenir à un autre art. À piocher, au choix : peinture, cinéma, photographie surexposée…. comme la photographie magnifique sinon surexposée de la couverture que je nommerai bien « à la croisée des chemins ».
Voici aussi quelques phrases parmi mes préférées : « les sons sonnaient […] très sourds et très brillants » ou encore « la barre de seuil en laiton de la porte luisait, séparant deux mondes. » À ce moment, on entre alors dans la deuxième partie du roman, celle faite de chants, de voix et plus uniquement de musique et de sons.

Cela prend forme avec des éclairs électrique, des nœuds et tensions corporels, des homards qui ont leurs pinces fermées avec des élastiques, et des regards comme des dards. On arrive alors à un vocabulaire corporel, du toucher et des sensations qui amèneront l’émotion. Avec « entendre un son au dedans de soi même », on est vraiment à la place de Gil. Célia Houdart nous permet de ressentir dans notre chair, un peu de ce que peut ressentir un musicien, un chanteur qui vit dans son être sa passion.
Ce livre est charnel et ce n’est rien de le dire. Gil est pris de passion aussi bien pour des femmes que des hommes, mais ce n’est que par petites touches que l’on sait. Mais le vrai charnel est dans sa passion, qui peut le rendre aphone, empli de douleur, si les metteurs en scène ne sont pas compréhensifs par exemple.

Parlons aussi des autres personnages, tous plus invraisemblables les uns que les autres et pourtant qui fonctionnent parfaitement ! Tout se tient ! Et avec parfois un léger petit trait d’esprit ou juste une évocation, le personnage vit et apporte une précision à celui de Gil.
Il y a la prof de piano qui ne termine pas ses phrases, dont on connait plus l’intérieur de sa maison puis de son appartement que vraiment son physique ou ses pensées.
Les profs du conservatoire qui sont d’un manque d’ego atypique me semble-t-il, et qui forment des musiciens. Vlado Blasko le prof de conservatoire permet à Gil de suivre sa passion sans se « battre » alors qu’il était son meilleur élève, c’est rafraichissant…
La mère de Gil, Lucile, qui vit à l’asile de Genève.
Le père Jorge, toujours amoureux de Lucile, qui travaille comme un noir (jeu de mot un peu moche qui prend tout son sens à la lecture du texte) à la poste.
L’oncle qui brise les gâteaux qu’il fait et qui a « une langue de lézard ».
Les amis de Gil : Olivier, Junichi, Eva, Kim qui sont des soutiens dans les moment de doutes.
La professeur de musique qui meurt juste avant la représentation qui marque la réussite de Gil et dont on se sait pas grand-chose.

Je parlais de mystère au début. Je souhaite y revenir et en profiter pour parler de choix également.
En effet, il y a un inconnu, un fan anonyme de Gil qui ne revient que deux fois dans le livre et dont on ne sait rien. Juste une sensation de bonheur simple d’être apprécié et que l’on puisse vous suivre à l’autre bout du monde pour vous écouter chanter. Rien dans l’ego, juste un trait de lumière pour Gil.
Un chien à la fin qui ne fait que confirmer le choix qu’a pris Gil ; le père dont on n’entend plus parler pendant 100 pages ; des orages et des motos vrombissantes qui marquent le passage vers des changements, des choix de vie ; des rebondissements dans sa vie amoureuse, des changements de profs, d’habitat, une carrière d’ellipse.

Enfin, je conclurais avec les mots forts et passionnés, vibrants et bouleversants d’une auteure dont la précision, l’utilisation et la combinaison parfois très surprenante des mots vous laissera comme moi, pantelant et en redemandant, bref : « Le souvenir d’une intensité« .

Roman publié aux éditions Gallimard (Folio)

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