La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur / Suzanne Collins

La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur / Suzanne Collins

Couverture d'Hunger Games, La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur, de Suzanne Collins

Hunger Games, Tome 0

C’est le matin de la Moisson qui doit ouvrir la dixième édition annuelle des Hunger Games. Au Capitole, Coriolanus Snow, dix-huit ans, se prépare à devenir pour la première fois mentor aux Jeux. L’avenir de la maison Snow, qui a connu des jours meilleurs, est désormais suspendu aux maigres chances de Coriolanus. Il devra faire preuve de charme, d’astuce et d’inventivité pour faire gagner sa candidate.
Mais le sort s’acharne. Honte suprême, on lui a confié le plus misérable des tributs : une fille du district Douze. Leurs destins sont désormais liés. Chaque décision peut les conduire à la réussite ou à l’échec, au triomphe ou à la ruine.
Dans l’arène, ce sera un combat à mort.
Pour assouvir son ambition, Coriolanus parviendra-t-il à réprimer l’affection grandissante qu’il ressent pour sa candidate, condamnée d’avance ?

Avis : La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur prend place 60 ans avant la trilogie d’origine. Nous y rencontrons le jeune Corionalus Snow, étudiant à l’illustre Académie de Panem. Si la fortune des Snow a fait long feu lors de la guerre qui a opposé le Capitole aux districts, Corionalus continue néanmoins de s’accrocher à son nom prestigieux. Il descend d’une lignée aristocratique et il est bien décidé à retrouver la place à laquelle il a droit, et en attendant, à maintenir les apparences.

La neige se pose toujours au sommet.

Alors que la capitale commence tout juste à se relever du marasme dans lequel la rébellion l’a plongée, les Hunger Games – ces « jeux » marquant la défaite des districts, offrant leurs enfants pour racheter la perte de ceux du Capitole, ces jeux censés rappeler à tous ce qu’il en coûte de s’opposer au pouvoir en place – sont organisés pour la 10e année. Mais le procédé s’essouffle, les Panaméens se désintéressent totalement de l’attraction. Pour tenter de réactiver l’intérêt du peuple, des mentors sont pour la première fois désignés pour sponsoriser les tributs des districts. Des mentors choisis parmi l’élite des étudiants, qui auront la charge de redorer le blason des Jeux, de les rendre à nouveau « attractifs ». Coriolanus Snow est l’un de ces mentors. Il est chargé de superviser Lucy Gray Baird, une adolescente venant du district Douze.

Un choix qui le révolte. Parce qu’il juge honteux et pervers cette mascarade à laquelle on les soumet ? Que nenni ma brave dame ! Parce qu’il estime mériter un meilleur candidat qu’une faible fille venant du plus pauvre des districts. C’est un camouflet à son orgueil, à son nom. Car voilà qui est Coriolanus Snow, même avant le monstre que l’on a appris à connaître à la fin de sa vie. Un être imbu de lui-même, ambitieux et manipulateur. Un pur produit du Capitole. Même s’il n’est pas encore totalement dénué de conscience, et que l’on va assister à la fin de sa mue, le terreau était déjà fertile.

Or voilà où La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur pèche un peu selon moi. Cela manque d’un personnage fort et attachant qui viendrait contrebalancer la noirceur du propos. On ne s’attache jamais à Snow, et les autres personnages qui pourraient apporter cette lumière restent toujours trop en retrait. On apprécie la force et l’impertinence de Lucy Gray, la douceur de Tigris, l’altruisme de Sejanus, mais Snow prend toute la place, ne leur laissant jamais celle de s’épanouir dans nos cœurs.

Ce manque de contraste rend, peut-être, le roman encore plus noir que la trilogie d’origine qui l’était pourtant déjà beaucoup. L’atmosphère est poisseuse et étouffante. La manière dont les tributs sont traités est révoltante. Sincèrement, je déconseillerais sa lecture à quelqu’un qui serait dans une période dépressive, tant le constat sur notre humanité est désolant. Si Hunger Games était une réflexion sur la guerre et la société spectacle, Suzanne Collins s’intéresse ici plus particulièrement à l’exercice du pouvoir, au contrôle des masses, à la nature de l’homme et au contrat social (coucou Rousseau !), et aux conséquences de la guerre.

Avec ce prequel, on approfondit encore l’univers créé. La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur voit les balbutiements des Hunger Games tels qu’on les connaît. Ce sont les prémices de la médiatisation, de la scénarisation, des mutations génétiques. De nombreux clins d’œil parsèment le roman, mais celui que j’ai préféré est la découverte de l’origine de la chanson de L’arbre du pendu.

La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur est terriblement bien écrit. C’est un récit sombre qui vient compléter la richesse d’un univers connu, et qui va jusqu’à verser dans la philosophie de manière accessible et poussant à la réflexion. Il ne m’a toutefois pas apporté l’émotion que j’ai ressentie à la lecture de la trilogie Hunger Games, celle que je ressens encore lorsque je la relis ou que je revois les films.

Ce que vous avez vu dans l’arène, c’est l’humanité sans fard. Celle des tributs, et aussi la vôtre. Vous avez vu à quelle vitesse la civilisation disparaît. Vos bonnes manières, votre éducation, votre héritage familial, toutes ces choses dont vous êtes si fier, tout cela s’est envolé en un clin d’oeil, vous dévoilant tel que vous êtes vraiment. Un garçon armé d’un gourdin qui en frappe un autre à mort. C’est l’humanité dans sa plus simple expression.

Roman publié aux éditions Pocket Jeunesse – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Guillaume Fournier

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