Il y a quelques jours, nous vous parlions de Face au dragon d’Isabelle Bauthian et du cadre éditorial dans lequel il prend place. Après avoir reçu l’autrice, c’est aujourd’hui l’éditeur, Nicolas Marti, que nous avons le plaisir de recevoir pour nous présenter les Projets Sillex.
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Pouvez-vous expliquer aux lecteurs la particularité de votre démarche éditoriale et ce que vous entendez par « circuit court » ?
Bonjour et merci de nous accueillir sur le blog !
La particularité de notre démarche éditoriale est simple : nous partons du principe que l’auteur est au centre de la création littéraire et, par conséquent, qu’il ne devrait pas être l’acteur le moins payé de la chaîne du livre.
Pour arriver à une part auteur de 30%, nous avons fait le choix de ne pas recourir au circuit de diffusion, et en ce sens nous participons d’un circuit court du livre.
Nous fonctionnons donc par financement participatif, c’est-à-dire que nous mettons en ligne, directement sur notre plate-forme projets-sillex.com, des campagnes de précommande pour des ouvrages. Si nous atteignons le volume de précommandes fixé dans le délai que nous nous sommes impartis, le livre paraît et les lecteurs reçoivent l’ouvrage. Si nous ne l’atteignons pas, le livre ne paraît pas et l’auteur ou l’autrice récupère ses droits immédiatement.
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Où le libraire se situe-t-il dans cette démarche ?
Le libraire est, pour nous, le premier prescripteur en matière de livres. Dans les littératures de l’imaginaire en particulier, on peut compter sur un tissu de libraires passionnés qui font vivre les livres avec passion.
Parce qu’on ne règle pas la situation des auteurs en dégradant celle d’une autre profession précarisée, nous travaillons avec des libraires partenaires (et tout libraire qui en fait la demande) et leur offrons des conditions particulièrement avantageuses afin d’assurer une représentation de nos ouvrages en boutique.
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Et vous-même ? Vous devez faire l’avance de tous les frais, comment êtes-vous rémunéré ?
Nous avançons effectivement les frais (et le temps) liés au travail de l’ouvrage, à sa mise en forme et à sa promotion. Mais le risque est le même que pour un éditeur classique qui ne vendrait pas de livres au final.
Nous nous rémunérons donc avec le subside des différents coûts (part auteur, communication, fabrication et envoi), et sommes tributaires du nombre de ventes d’un ouvrage (mais là encore, rien d’extraordinaire).
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Comment sélectionnez-vous les manuscrits ? Démarchez-vous les auteurs ?
Un appel à manuscrits est en cours actuellement ! Si des plumes (jeunes, confirmées ou canoniques) veulent en savoir plus, nous les invitons à se rendre sur le site projets-sillex.com !
Pour sélectionner les manuscrits, nous nous appuyons sur un comité de lecture restreint (un peu moins de dix personnes) qui lit les œuvres et nous fait remonter des commentaires. Sur cette base, nous lisons ensuite ou non les manuscrits. Nous essayons de lire nous-mêmes un maximum de textes, mais si les avis du comité de lecture sont unanimes en défaveur d’un texte, il est très rare que nous allions plus loin.
En parallèle, nous démarchons également certains auteurs, même si les choses se font souvent assez naturellement, comme ça a été le cas avec Isabelle Bauthian.
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Justement, pouvez-vous nous parler de ce premier titre ? Pourquoi avoir choisi de débuter l’aventure avec le roman d’Isabelle Bauthian, Face au dragon ?
Face au dragon est un roman qui sort du cadre parce qu’il emprunte des codes du roman d’initiation, du roman d’aventures et de la littérature Young adult et en fait autre chose. Lorsque nous avons lu le roman la première fois, après avoir rencontré l’autrice aux Utopiales, nous avons découvert un univers à deux lectures qui nous a tout de suite plu.
Poly, l’héroïne de ce roman, véhicule des valeurs de respect et de tolérance. Elle cherche constamment à contourner les voies évidentes et à résoudre les problèmes par l’intelligence et la bienveillance. Difficile de ne pas l’aimer (et de ne pas essayer de s’en inspirer) !
Et puis il y a ce dragon, ces personnages attachants, ce mystère et l’incroyable faculté qu’a Isabelle Bauthian de parler de sujets graves de manière très simple.
C’est une magnifique découverte, et nous avions envie de la défendre maintenant, tout simplement.
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Pour que le livre soit édité, la campagne de financement doit atteindre les 5000 €, comment avez-vous déterminé ce montant ? Que représente-t-il ?
Ce montant représente environ 200 ouvrages et 1500 euros pour l’autrice. En dessous, l’opération n’est, selon nous, pas intéressante pour elle, et c’est donc le minimum que nous nous sommes fixés.
Ensuite, il y a évidemment le calcul des coûts entourant l’ouvrage, mais c’est surtout la portée symbolique du montant qui nous intéresse. Mobiliser des lecteurs pour atteindre 5000€, c’est montrer qu’il existe une nouvelle voie pour l’édition.
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Une fois que la campagne sera terminée, et si celle-ci est un succès, comment les lecteurs pourront-ils se procurer le livre ? Sera-t-il disponible sur certaines plateformes d’achat en ligne ?
Les lecteurs qui n’auront pas acheté le livre pendant la campagne n’auront plus accès aux objets exclusifs créés pour l’occasion. Ils ne pourront acheter le roman que dans les librairies partenaires (et selon des volumes très restreints) et dans les quelques salons que nous ferons. Pour les plateformes en ligne, pour l’instant, ce n’est pas prévu.
Nous le redisons ici mais le meilleur moyen d’acheter Face au dragon, c’est encore de le faire maintenant, pendant la campagne !
Participer au projet Face au dragon
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Il n’y aura donc pas de réimpression possible lorsque les 200 exemplaires seront épuisés ? Qu’en est-il de la version numérique ? Elle sera également impossible à se procurer ?
Les 5000€ correspondent à 200 exemplaires précommandés, c’est-à-dire livrés après la campagne. Cette somme n’intègre ni le stock dédié aux salons ni les exemplaires présents en librairie. En bref, il y aura plus de 200 exemplaires en circulation, même si nous atteignons très exactement l’objectif fixé. Nous ne prévoyons donc pas de second tirage même si nous n’excluons pas une seconde campagne si l’auteur ou l’autrice le désire. Pour que l’auteur reste maître de sa création jusqu’au bout, notre contrat prévoit qu’il récupère immédiatement ses droits lorsque le dernier exemplaire papier est vendu ou au bout d’un an au plus tard. La version numérique, elle, sera disponible exclusivement lors de la campagne puis, selon les souhaits de l’auteur ou de l’autrice, lors d’opérations ponctuelles.
D’une manière générale, nous voulons que les lecteurs contribuent au moment du financement participatif. Nous tenons à ce qu’il s’agisse d’une édition limitée. Nous utilisons le financement participatif parce qu’il a deux vertus : d’une part, il permet à l’auteur ou l’autrice de percevoir immédiatement une rémunération et d’autre part il fait parler de l’œuvre. Projets Sillex intervient en début de vie du livre, donne un coup de projecteur sur le texte et permet à l’auteur de se rémunérer mieux qu’il ne pourrait le faire par des voies classiques. Mais nous ne pensons pas que la vie d’un livre doit s’arrêter à notre modèle, et nous souhaitons que des éditeurs plus traditionnels, après avoir vu qu’il existait un lectorat, reprennent les projets que nous portons pour leur apporter une vie plus longue. Notre objectif final est que le livre trouve son public, par toutes les voies possibles.
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Sillex sera composé de plusieurs collections. Pouvez-vous nous les présenter et nous dire si vous avez déjà sélectionné des titres pour les intégrer ? Et de manière générale, quels sont vos prochains projets ?
Nous développons une collection principale composée de textes d’imaginaire qui ouvrent, dans leur esprit ou leur âme, à une réflexion. On y retrouvera donc dès janvier la reprise de Madharva, une enquête cyberpunk par Mathieu Rivero où l’art est plus qu’un simple contexte, puis un peu plus tard Rocaille, une fable dark-fantasy portée par Pauline Sidre, une autrice dont c’est le premier roman et que nous avons hâte de vous présenter.
En parallèle, nous développons également une collection d’ouvrages consacrés à la mythologie sous toutes ses formes et à toutes les époques. Nous souhaitons proposer des ouvrages différents, dans leur fond ou leur forme, et créer des ponts entre la connaissance universitaire de l’imaginaire et l’imaginaire lui-même. Actuellement, nous travaillons sur le premier ouvrage de cette collection, qui mettra en avant, nous l’espérons, une œuvre classique importante mais méconnue. Plus de détails dans les prochains mois mais nous voulons que ce soit un beau livre, avec une proposition inédite !
Enfin, nous avons une dernière collection en développement qui s’oriente cette fois vers la bande-dessinée et le roman graphique pour mettre en relation des auteurs d’imaginaire francophones reconnus et leurs reflets dans le milieu du dessin.
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Quelle fréquence de publication prévoyez-vous ?
Bien sûr, tout dépendra de la réussite des premiers projets, mais nous envisageons environ 8 projets par an.
Ce qui est certain c’est qu’il y aura une pause entre la fin de la campagne de Face au dragon et le début de la campagne de Madharva (qui ne s’appellera probablement plus comme ça !).
Exclusif ! Les pipelettes sont heureuses de s’associer à Projets Sillex pour vous faire gagner des exemplaires de leur premier projet, Face au dragon ! (cliquez sur l’image)