Sans feu ni lieu / Fred Vargas

Sans feu ni lieu / Fred Vargas

couverture de Sans feu ni lieu de Fred VargasLes Évangélistes, Tome 3

Résumé : – C’est un crétin ou quoi, ce type ? Louis Kehlweiler s’énerve. Cette histoire ne tient pas debout ! Il ne fait de doute pour personne que Clément Vauquer est bel et bien coupable des deux meurtres dont on l’accuse. En outre, la police possède son signalement, il ne restera pas longtemps en cavale. Oui, mais Clément, l’accordéoniste demeuré, est un protégé de la vieille Marthe… Cela suffit pour que Kehlweiler demande à Marc, Lucien et Mathias de cacher le fugitif quelques jours. Personne n’ira le chercher dans la baraque pourrie qu’ils habitent, au fin fond du 18e arrondissement. Le temps d’aller à Nevers, là où tout a commencé…

Avis : La nouveauté s’estompe, juste un peu, après ce 3ème opus que je lis avec les mêmes personnages de Louis, Marthe, les trois saints et le vieux Vandoosler. Mais Fred Vargas réussit le pari, avec ses personnages attachants mais qui ont « une mouche dans le casque », de ne pas me faire lâcher ce Sans feu ni lieu.

Les méchants sont toujours noirs et visqueux, on pourrait les appeler des trous noirs, tant ils brisent la vie en l’attirant à eux et en s’en repaissant. Les héros sont bien sûr toujours des anti-héros. D’ailleurs avec son pleutre pâtissier à lunettes ou son saint Marc qui combat au tuyau de plomb mais s’effondre ensuite en demandant de l’aspirine, l’auteure leur attire toutes nos sympathies bien plus surement que s’ils étaient des supermans virils et beau-gosses.

Le genre est toutefois ici un peu renouvelé car petit 1- il y a des corps et petit 2- Louis doit protéger le tueur (ou croit-il ?). Clément, le nom du prétendu tueur, est en fait le protégé de Marthe, qu’elle a connu petit et dont elle n’a pas « finit l’éducation ». Il s’est fourré dans une machinerie (comprendre machination) infernale dont il n’était pas censé ressortir vivant. Marthe le croit innocent, même si vraiment benêt, et malgré ses réticences Louis accepte de l’aider.

Le langage de Clément et ses façons embrouillent joliment le lecteur. Même les autres personnages à son contact en perdent leur latin et leur caractère (Louis devient brusque et violent, Marc ne s’emporte plus….). La difficulté de le préserver sain et sauf, à commencer de lui-même, rajoute du suspense. C’est que, chacun y va de ses pistes. Le tueur est au choix : Clément, le père de Clément, quelqu’un de son passé, un tueur d’une série et non pas en série, un poème, bref voilà la course contre la montre pour sauver la prochaine victime enclenchée.

J’ai apprécié Sans feu ni lieu, que je qualifierais « de la maturité » pour ses personnages toujours un peu perdus mais tellement poétiques et qui cherchent à faire de leur mieux dans ce pire des mondes….. Le langage de Clément est un bijou de maniérisme qui aurait mal tourné et démontre bien par un pied de nez « Vargasesque » que les plus immondes personnages ne sont ni les plus bêtes, ni les moins cultivés. Et tant pis si cela vous spoile un peu.

Voilà donc du « rompol » qui donne à réfléchir sur nos vies, nos croyances et notre préciosité… bin merde on s’en fout, je vous dis juste que c’est du bon !

Fred Vargas a inventé un genre romanesque qui n’appartient qu’à elle : le Rompol. Objet essentiellement poétique, il n’est pas noir mais nocturne, c’est-à-dire qu’il plonge le lecteur dans le monde onirique de ces nuits d’enfance où l’on joue à se faire peur, mais de façon ô combien grave et sérieuse, car le pouvoir donné à l’imaginaire libéré est total. C’est cette liberté de ton, cette capacité à retrouver la grâce fragile de nos émotions primordiales, cette alchimie verbale qui secoue la pesanteur du réel, qui sont la marque d’une romancière à la voix unique dans le polar d’aujourd’hui. Les personnages qui peuplent ses livres sont aussi anarchistes et lunaires que savants. Qu’ils soient férus d’Antiquité ou océanographes, le regard qu’ils posent sur le monde combat le conformisme et l’ordre établi avec pour arme la fantaisie et l’humour.

<span class="su-quote-cite">Jeanne Guyon, Le Magazine Littéraire</span>

Roman publié aux éditions J’ai lu

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